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EDITO DE DECEMBRE 2017

Par Pierre ANCET - Philosophe & Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

 

Défense de l’accompagnement sexuel

 

On ne peut balayer la question de l’accompagnement sexuel d’un revers de main, moyennant une opposition de principe à cet accompagnement, comme si le désir et la frustration n’existaient pas ou pouvaient toujours être compensés, par exemple par un changement de regard social sur le handicap. Si l’on attend que les mœurs évoluent suffisamment pour que toute personne vivant avec un handicap soit considérée comme belle, désirable et susceptible d’avoir une relation avec la personne de son choix, on court le risque d’attendre très longtemps.

Non que ce soit impossible, loin de là, non plus qu’il ne faille pas y rêver pour toute personne. Les utopies sont faites pour créer des effets dans le réel en y ouvrant des possibilités que l’on sous-estimerait ou que l’on méconnaîtrait sans elles. Un jour peut-être l’accompagnement sexuel pourra n’avoir plus lieu d’être ou n’être que transitoire avant une vie sexuelle réussie. Mais que fait-on en attendant ?

Pour tous ceux qui ne peuvent avoir d’autre type de relation, qui se sont construits en pensant que ce n’était pas pour eux ou qui n’osent pas se lancer, tant ils ont des craintes, des sentiments de honte un manque de confiance ? Bien sûr qu’il y a plusieurs autres moyens de dépasser ces sentiments que l’accompagnement sexuel. Mais celui-ci peut être l’une des voies à envisager pour lutter contre la frustration et la souffrance qui en découlent souvent. Il va permettre à certains de découvrir, à d’autres de redécouvrir ce que peut être le contact avec un autre corps, le plaisir d’être touché autrement que pour des soins quotidiens lorsque l’on est paralysé…

 

Bien sûr que face à la frustration, on ne peut revendiquer une satisfaction « pleine et entière », car la frustration, notamment sexuelle, est le fait de la très grande majorité des humains au cours de leur vie, et permet même d’évoluer et de se construire… Même la vie de couple n’est pas sans comporter son lot de frustration sexuelle  avec l’âge, la modification du désir, l’évolution de chacun. Pour d’autres ce sera la recherche sans cesse relancée d’un de la femme idéale ou du prince charmant, parfois dans la frustration d’avoir quantité de partenaires mais de ne jamais pouvoir trouver le bon. Ce peut être enfin d’impossibilité de trouver un ou une partenaire, en raison de ses occupations, préoccupations, obligations familiales, craintes liées à de mauvaises expériences antérieures ou de quantités d’autres raisons.

Mais rappeler que cette frustration est le lot commun de beaucoup d’humains ne doit pas aplanir les différences qui existent entre eux et nier les difficultés majeures rencontrées par certains, la frustration de n’avoir jamais pu connaître le plaisir sexuel ou d’être dans l’incapacité de se le donner à soi-même, la honte de ne jamais avoir eu de relation sexuelle à trente ans ou plus, l’impossibilité de considérer son corps autrement que comme un objet de soin pour d’autres et non pas comme partie de soi, comme corps vécu par soi, sans la possibilité du plaisir.

 

Retrouver des sensations avec d’autres capacités : exemple après l’accident

 

Prenons l’exemple de ce qui arrive quand le handicap survient alors que l’on avait déjà connu la sexualité, lorsque l’on devient paraplégique ou tétraplégique après avoir été valide. Les accidents de la circulation touchent souvent des hommes jeunes. On assiste alors à un retournement des valeurs viriles que l’on partageait et que l’on pouvait plus ou moins efficacement incarner. Ses propres normes d’appréciation se retournent contre soi : « un type dans cet état, c’est fini » ; « je ne suis plus rien ».

Il se produit une forme de régression à un stade infantile, où les hommes se retrouvent dépendants, obligés de porter des couches, nettoyés à intervalles réguliers par les soignants, maternés à nouveau par leur mère comme le raconte Jean-Luc Simon  dans Vivre après l'accident (Chronique sociale, 2010).  Cette régression peut se manifester sous la forme d’un sentiment de castration avec la crainte que l’érection ne soit plus possible : « La fonction d’érection est, chez certains, l’objet de leurs premières questions ; ceux-ci demandant même à leur épouse de vérifier si « ça marche encore » alors qu’ils ont encore une sonde à demeure… » (p. 72). Il faut réapprendre à interpréter les réactions de son corps, comprendre que certaines possibilités demeurent tandis que d’autres ne sont plus atteignables. Bien souvent l’incapacité de la pénétration est assimilée à l’incapacité de faire l’amour, alors qu’un accompagnement sexuel pourrait permettre de mieux comprendre qu’il n’en est rien : « le plus dur pour Paul a été de savoir "qu’il ne pourrait plus faire l’amour", alors que même si ses possibilités de coït, de pénétration, sont transformées ou amoindries, il est toujours en mesure de vivre des relations sexuelles » (p. 87).

Mais encore faut-il prendre conscience de ces autres possibilités, encore faut-il se rendre compte que le plaisir peut être au rendez-vous même s’il emprunte des voies que l’on n’avait pas imaginées (le déplacement des centres du plaisir sexuel n’est pas une légende). La reconstruction de soi, lorsque l’on n’a pas ou plus de conjoint, peut passer par un accompagnement sensuel ou sexuel, permettant peu à peu de faire le deuil de ses fonctions et de ses possibilités physiques en redécouvrant son corps à travers non seulement ses limitations mais aussi ses possibilités nouvelles.

 

Jouer avec les rôles standards

 

En évoquant ces différences, il ne s’agit pas de réduire des individus et leurs capacités à l’état de leur organisme, ou de nier leurs capacités de séduction, mais de proposer un accompagnement qui doit permettre de se réapproprier son corps et sa sexualité sous d’autres modes en composant avec une situation actuelle que l’on ne peut que déplorer. Reconnaître la spécificité de certaines situations de handicap n’empêche pas d’évoquer un accès à la sexualité au sens large du terme, selon des modalités qui surprendront celui-là même qui en bénéficiera. C’est pourquoi il faut être prudent avec les idées préconçues associées à la sexualité que l’on rencontre dans de nombreux débats, notamment médiatiques, où la sexualité et posée comme quelque chose dont chacun connaît la nature, sans définition préalable ; comme si la sexualité et l’éventail des pratiques sexuelles était pour tout un chacun de l’ordre de l’évidence. Or rien n’est moins vrai : la sexualité est hautement culturelle et les pratiques ne sont ni spontanées ni naturelles, les normes qui s’y appliquent ont profondément varié au cours de l’histoire et des civilisations

Par exemple, les rôles masculins hétérosexuels standards qui semble des passages obligés peuvent être repris ou remis en scène par des hommes sans capacité d’action physique (contre l’idée d’une virilité active triomphante, soumettant l’autre corps à sa puissance, à la vigueur de son « coup de reins »). Il faut bien comprendre qu’un tel rôle n’est jamais acquis : on peut le perdre mais sans perdre entièrement la possibilité du plaisir ; on peut le faire évoluer au long de sa vie, et ainsi faire le deuil de ce que l’on pouvait faire, mais sans faire le deuil de ce que l’on pouvait éprouver et sentir.  

Espérons que ces quelques exemples auront permis à d’autres hommes, actuellement valides, de prendre conscience de l’importance de cet accompagnement.

EDITO DE NOVEMBRE 2017

Par Akim BOUDAOUD - Sexologue & Vice-Président de l'APPAS

L'amour interdit

 

Les histoires d'amour impossible ou d'amour interdit nous ont toujours accompagné, Roméo et Juliette demeure un mythe éternel dans la littérature.

De nos jours, il existe des espaces où l'amour est interdit, des espaces privés où l'expression des sentiments, l'expression des émotions, l’expérience d'amour sont difficiles voire impossibles.

Il s'agit des lieux de vie des personnes en situation de handicap, c'est-à-dire les structures médico-sociales qui ont pour mission l'accueil, l’hébergement et l'accompagnement. S'ajoute à ces espaces interdits, la restriction de participation à l’amour en raison de handicap (mental, psychique, sensoriel ou physique).

 

Or les médias font l'éloge de l'amour à travers les émissions de divertissement, « l'Amour est dans le Pré », le « Secret Story », « Les Anges », « Loft Story », « Les Marseillais », « Les Princes de l'Amour » ...etc.

 

Est-il possible de séduire, de plaire en ayant un problème physique, mental ou psychique ?

Si la réponse est oui, que faut-il comprendre des restrictions imposées par les différents systèmes d'accompagnement des personnes en situation de handicap ?

 

La société et les médias peuvent-ils intégrer la différence dans les émissions dédiées à l'expression de l'amour ?

En mars 2016, la chaîne M6 a tenté d'ouvrir un espace sur le thème de la rencontre de l’âme sœur avec un handicap, il s'agit de la série « Mon partenaire particulier », malheureusement les téléspectateurs n’étaient pas au rendez-vous, par conséquent le taux faible d'Audimat oblige la déprogrammation de l’émission.

Voici quelques réactions des téléspectateurs : « ''Mon Partenaire Particulier'' Quand j'ai vu ça j'ai zappé direct. Les émissions larmoyantes et apitoyantes... Très peu pour moi » ou encore « Les pauvres handicapés. Ils vont être catalogués de cons toute leur vie grâce à M6 dès demain. ''Mon Partenaire Particulier'' ».

 

Si la société est systématiquement dans le rejet de la différence, comment, à quel moment, où et avec qui l'amour peut-il s'exprimer.

Il y a encore du chemin à débroussailler pour que chacun(e) puisse faire son parcours de vie avec harmonie et épanouissement.

Nous sommes tous responsables de cet état de fait, nous aurons à réinterroger nos représentations, notre état d'esprit, nos convictions sur le libre accès à l'amour sans conditions.

EDITO D'OCTOBRE 2017

Par Bruno PY - Conseiller juridique

 

Commençons par désacraliser le Tirelipimpon…

 

Lorsque de doctes savants se penchent sur le thème de la sexualité, il est tacitement question de prouesses et d’acrobaties ayant pour objet et parfois pour effet l’atteinte du graal des orgasmes synchrones des deux partenaires épuisés mais ravis…

 

Et si on redescendait sur terre ? Et si on revenait à une réalité plus simple ? Et si commençait par le commencement ? La découverte de la libido chez l’enfant puis l’adolescent débute systématiquement et pour tous par l’auto-érotisme. Quels que soient les mots employés, tout commence par le fait de se toucher le tirelipimpon. “Don't knock masturbation. It's sex with someone you love.” (« Ne te moque pas de la masturbation ! C’est faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime… », Woody Allen, Dialogue du film Annie Hall, 1977.)

 

De beaux esprits prétendent que ces satisfactions organiques ne sont qu’un ersatz de sexualité laquelle devrait forcément et indissociablement être liée à l’affectivité.  Pourtant, « L’argument psychologique disant que le sexe avec amour est plus gratifiant que le sexe sans amour n’est pas vraiment fondé ». (Ruwen OGIEN, Philosopher ou faire l’amour, Grasset, 2014, p.241.)

 

Heureusement, notre société ne stigmatise plus la masturbation, reconnue comme une activité sans danger, et même épanouissante. C’est là que se manifeste la différence de situation entre celui qui peut se donner du plaisir seul et celui qui ne le peut pas en raison d’un handicap. Que l’on pense une seconde à ce jeune de 20 ans aux bras paralysés… A défaut de pouvoir se toucher, trois solutions s’offrent à lui. Supporter stoïquement l’abstinence, solliciter son entourage, recourir à un accompagnement professionnel.

 

Que ce soit assumé ou clandestin, explicite ou caché, c’est à l’entourage qu’il advient le plus souvent d’assouvir les expressions du désir sexuel de la personne en situation de handicap à domicile. Ceux qui ont participé à des conférences-débat sur le thème de la sexualité des personnes en situation de handicap ont tous entendu des familles témoigner de ces faits. Le Droit n’y trouve rien d’illicite entre majeurs consentants. La psychologie, s’interrogera longtemps encore sur les indicibles conséquences de cette forme de misère sexuelle… C’est alors qu’intervient la question de savoir si la satisfaction du désir sexuel de la personne en situation de handicap ne pourrait pas être dévolue à une personne extérieure aux proches, à un(e) professionnel(le), un (e) travailleur (euse) du sexe, à un (e) accompagnant (e) sexuel ?

 

S’il m’advient un jour de ne plus pouvoir me toucher le tirelipimpon, qui m’aidera ?

 

" Ce sexe sans lequel, (...) le commencement de notre vie serait privé de secours, le milieu de plaisirs, et la fin de consolation." Jean le Rond d'Alembert, Éloges lus dans les séances publiques de l’Académie française (1779), éloge de Marivaux.

TRIBUNE DE MARCEL NUSS : HANDICAP ET ASSISTANAT

Par Marcel NUSS - Président de l'APPAS

 

Le site de l’APPAS fait peau neuve, grâce à Céline et Laetitia Rebord qui l’ont rendu plus clair et plus facile d’utilisation. Cette métamorphose qui répond à de nombreuses demandes dans ce sens, depuis des mois, accompagne parallèlement une nouvelle étape dans le champ de la communication de l’APPAS. En effet, depuis la rentrée, nous avons lancé, avec la généreuse collaboration spontanée de l’agence de publicité No Feelings et son fondateur, François Belley, une campagne de presse qui rebondira chaque fois que l’actualité nous en donnera l’opportunité, afin d’être encore plus présents, plus réactifs et de mieux encore nous faire entendre sur les réseaux sociaux, dans les médias et auprès des politiques. De surcroît, toujours dans cette optique d’évolution, nous allons reprendre notre bâton de pèlerin, plus que jamais décidés d’obtenir une exception à la loi sur le proxénétisme.

Cela dit, aujourd’hui pas plus qu’hier, sans votre engagement à nos côtés, sans vos adhésions, nous continuerons à être contraints de faire du bricolage, dans bien des domaines, et de ne pouvoir répondre à davantage de demandes d’accompagnement sensuel et/ou sexuelle, par manque de moyens et de soutiens.

Or, dans ce poste crucial pour le bon fonctionnement et l’efficacité d’une association, nous nous heurtons, depuis l’origine, à une carence qui nuit en premier lieu aux personnes auprès desquelles l’APPAS s’est engagées, afin de faire entendre et reconnaître leur attente légitime : avoir librement accès à une vie sensuelle et sexuelle, en faire l’expérience a minima, contre vents et moralisme ambiant. Mais force est de constater que toujours rien ne bouge de ce côté, bien au contraire…

En France, on se targue de défendre le droit à l’autonomie des personnes en situation de handicap, et de les accompagner dans ce sens, habité par le souffle de cet « eldorado » qu’est censée représenter leur autonomisation ; surtout depuis la loi du 11 février 2005 que, par parenthèse, les successeurs de Jacques Chirac se sont empressés méticuleusement de vider de sa substantifique moelle, sous prétexte de crise économique et autres fadaises libéralo-économiques.

Néanmoins, entre le dire et le faire, il y a parfois (souvent) deux mondes qui se fantasment et se rejoignent trop rarement, à mon goût, dès qu’il s’agit d(e s)’autonomiser, car il y a loin de la coupe aux lèvres, côté politique, administratif, associatif et médicosocial. Il y a le discours et la réalité du discours, en d’autres termes l’akrasie si présente chez tout cet aréopage de décideurs, de professionnels, de parents et de personnes « handicapées » qui se voile la face, ou pas, derrière des rideaux de mots et de maux.

Du reste, le militant que je suis est, très régulièrement, amené à se demander si, tout compte fait, ce n’est pas une folie de s’échiner à plaider en faveur de la reconnaissance de l’accompagnement sexuel, alors que si peu de personnes en situation de handicap voient l’intérêt de faire davantage que de revendiquer, parfois avec véhémence, leur prétendu dû en matière d’expériences érotico-sexuelles ?

Pourquoi cette interrogation, me direz-vous ?

En fait, depuis mars 2015, l’APPAS a réceptionné plus de 800 demandes d’accompagnement sexuel, plus de 800 ! Et elle a permis la concrétisation de près de 250 de ces accompagnements. Bien sûr, elle aurait préféré pouvoir contenter tout le monde, satisfaire toutes les demandes – hormis celles qui ne répondent pas aux critères d’éligibilité, évidemment. Ainsi, très récemment l’association a reçu la demande d’un veuf de fraîche date au motif qu’il est seul et a besoin de réconfort sexuel, ce qui est légitime et compréhensible en soi mais ne représente pas une dépendance physique (le veuvage n’empêche personne de se masturber ou de recourir à la prostitution). Il n’y a cependant pas assez d’accompagnant(e)s sexuel(le)s actuellement afin de donner suite à toutes ces demandes qui, de surcroît, proviennent quelquefois d’endroits reculés de la France profonde, donc très mal desservis, y compris en voiture.

Et, afin d’assumer toutes ses charges et de soutenir ses engagements, l’APPAS propose une adhésion de 10 € pour les personnes « handicapées » ou au RSA. Juste 10 € – 25 pour les autres. C’est quoi 10 € par an, même avec 810 € d’AAH par mois ? Tandis que pour l’APPAS, 10 € multipliés par 800 demandeurs (dont moins de 6 % de demandeuses), cela ferait 8000 € d’adhésions annuelles – sans compte les autres adhésions –, en somme une véritable manne pour une association qui n’a aucune aide, aucune subvention, fonctionnant bon an mal an avec environ 2000 € sur son compte bancaire. Toutefois, dans ces 2000 €, combien proviennent de l’adhésion de personnes « handicapées » ? Une cinquantaine ? Au grand maximum. Ce qui signifie que seuls près de 5 % des demandeurs contribuent réellement au fonctionnement de l’association qui leur permet de bénéficier d’une expérience inespérée, il y a encore deux ans.

Un constat qui ne peut que laisser dubitatif. Et amène à s’interroger sur ce comportement quelque peu irresponsable et suicidaire étant donné que, si l’APPAS cesse son activité, il n’y aura plus d’alternative, exception faite pour les personnes résidant à proximité de la Suisse ou de la Belgique, peut-être de l’Espagne. Parce qu’il y a très peu de chances que d’autres associations prennent les mêmes risques de se mettre en infraction avec la loi sur le proxénétisme, aussi minime soit ce risque, sinon elles l’auraient déjà fait…

Pourtant, le principe de réalité nous apprend que, en matière d’engagement associatif entre autres, l’argent est le nerf de la guerre.

Mais, lorsque l’adhésion n’est pas obligatoire, comme c’est le cas à l’APPAS, car nous préférons tabler sur la responsabilisation, il y a un fort risque de carence en matière de solidarité et d’investissement – même très minime –, puisqu’on part du principe que l’accompagnement sexuel est un dû.

En somme, la cause en faveur de l’accompagnement sexuel met en lumière une réalité désolante et implacable : dans le milieu du handicap, on n’est pas encore sortis de la culture de l’assistanat, cette culture qui infantilise et déresponsabilise celles et ceux qui en sont imprégnés, dès la naissance en général. C’est encore le chacun pour soi qui prévaut bien souvent, le « moi, j’ai le droit », « moi, je veux », où on omet qu’on a également à tenir compte de devoirs, de règles et d’un rapport à soi qui passe par le rapport au tout, aux autres.

C’est d’autant plus problématique que, depuis quelques années, le « fléau » de l’assistanat est récupéré par une certaine droite et, dans une mesure moindre, une certaine gauche. Non sous l’angle de la dépendance physique, mentale ou psychique, voire morale, à autrui et/ou à la société, qui est majoritaire, mais de cet assistanat qui est accusé de profiter ignominieusement des deniers publics, d’une soi-disant générosité étatique qui serait prétendument détournée frauduleusement par des « fainéants », ce uniquement dans le but de faire des économies sur le dos des plus pauvres, des plus démunis et des plus fragiles. Cette politique pourrait être gravement préjudiciable à tout le monde, quoiqu’ils en pensent, ces politiciens.

Quoi qu’il en soit, l’assistanat rend généralement aveugle et sourd à l’approche globale d’une situation.

Et ce constat ne peut que conforter l’APPAS dans son choix de tarifer les prestations d’accompagnement sensuel et/ou sexuel, assumant pleinement d’être de ce fait en infraction avec la loi sur le proxénétisme. Car ce n’est pas un dû, et ça ne doit pas le devenir, dès lors que l’abstinence et les frustrations sexuelles ne sont pas une maladie et ne mettent aucunement la vie d’une personne en danger, qu’elle ait ou non un handicap. L’accompagnement sexuel doit découler d’un choix responsable qui s’appuie sur une liberté individuelle respectable, celle, pour tout être humain, de vivre sa sexualité à sa guise.

Bonne rentrée, bonne réflexion et à bientôt.

EDITO DE MAI 2017

Par Noémie RIMBOURG - Formatrice en santé sexuelle, membre du Conseil d'administration de l'APPAS et référente régionale

 

Favoriser une démarche en santé sexuelle à l’APPAS, qu’est-ce que ça veut dire ?

L'Organisation Mondiale de la Santé ne cesse de rappeler que la santé sexuelle est avant tout un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité et ne consiste pas uniquement en l'absence de maladies sexuellement transmissibles. Il s’agit donc de sortir du discours visant le « tout protection » que nous évoquent les premières campagnes de lutte contre le VIH « sortez couverts », en prenant en compte une approche globale de la personne, de sa santé et de sa sexualité. Cela n'empêche pas de favoriser l'accès à une information sur les risques de transmissions des IST et leurs modalités de dépistage. Ce travail a d'ailleurs été initié cette année par l'APPAS qui a intégré ces informations à sa formation initiale d’accompagnants sexuels.

Il me semblait important, à travers cet édito, de questionner plus en profondeur les différentes dimensions et enjeux relatifs au concept de santé sexuelle, dans le contexte d'une association qui se place à l'interface du handicap et de la sexualité.

Je propose tout d’abord de faire un détour du côté des représentations de la santé, car santé sexuelle et santé ne vont pas l'une sans l'autre.

Pour commencer, il faut dire que nous avons, dans nos sociétés occidentales de tradition cartésienne, opposé le corps et l'esprit jusqu'à naturaliser cette distinction à travers des classifications de handicaps mentaux et de handicap physiques, traduisant une conception de l'humain coupé en deux et instaurant une forme de hiérarchie entre les deux parties. Par exemple, pour rester dans le cadre de l'APPAS, même s'il existe de nombreuses autres illustrations ailleurs, accompagner des personnes en situation de handicap mental est parfois considéré comme plus délicat, nécessitant davantage de sensibilité, de résistance ou d’expérience. Ainsi il serait plus difficile d'appréhender l’esprit que le corps.

D'autre part, avec l'apparition des sciences dites «  dures » comme la biologie et la médecine, puis des sciences humaines et sociales, nous avons opposé les savoirs « ordinaires », « populaires » aux savoirs « scientifiques », légitimant aujourd’hui une forme de suprématie du discours académique et du discours biomédical qui véhicule une vision organique et pathologisante de la maladie et donc de la santé. La recherche anthropologique nous apprend pourtant qu’il existe une pluralité de système médicaux et d’itinéraires thérapeutiques, dans le monde, mais aussi à l’intérieur même de notre pays. A l'ère de la globalisation et des voyages, notre rapport à la santé est en train de changer, en s'inspirant d'autres conceptions dans d'autres sociétés. Il n'y a qu'à regarder du côté de l'engouement pour les médecines dites « parallèles » (comme si elles n'allaient jamais être amenées à rencontrer les autres) ou mêmes pour les tradi-praticiens, pour constater que la réponse biomédicale ne suffit plus à elle seule. Ces limites sont également constatées lorsqu’il s’agit de prendre en charge des situations qui ne peuvent plus faire l’impasse d’une approche globale sous peine d’être mises en échec, parfois par les premiers-ières concerné-e-s. La dimension vécue de la maladie est alors mise sur le tapis, il s’agit désormais de considérer les savoirs dits « ordinaires » ou « expérientiels » des malades.

Une autre réflexion relative à nos représentations sur la santé dans nos sociétés, est notre tendance à médicaliser, à pathologiser certains aspects qui, dans d'autres sociétés, ne font ni l'objet d'une prise en charge particulière, ni d'un traitement biomédical : c'est le cas du traitement de la ménopause par exemple. Dans le cadre de la sexualité, on pourrait aussi citer l'arrivée du viagra qui marque une forme de pathologisation de la sexualité, la renvoyant à sa dimension organique.

Au cœur de toutes ses constructions culturelles et sociales relatives à la santé, mais aussi des nouvelles prérogatives clamant l'intérêt de considérer la santé sexuelle comme un état d'équilibre, l'APPAS agit sur plusieurs dimensions : la sexualité, la santé sexuelle et la reconnaissance des savoirs ordinaires.

En agissant dans le domaine de la sexualité qui, nous le savons, est loin d'être une pratique mécanique, l'APPAS ne peut que faire exploser l'opposition entre le corps et l'esprit en proposant un accompagnement sexuel qui prend en compte la personne dans toutes ses dimensions : physique, affective, émotionnelle, sociales, environnementales...

L'APPAS propose également des accompagnements sexuels au nom de la santé sexuelle en envisageant celle-ci comme un équilibre. L'association ne considère pas l'accompagnement sexuel comme une fin en soi, pour tout le monde et à tout prix mais comme la possibilité laissée à celles et ceux qui pourraient y trouver un équilibre dans leur sexualité, d'y faire appel.

Enfin l'APPAS, et c'est ce qu'il me paraissait important de souligner ici, revendique notamment à travers les formations qu'elle délivre, une reconnaissance des savoirs « ordinaires ». Il s'agit des compétences que chacun-e acquiert au cours de la vie, desquelles naissent des intuitions et des savoir-être, mais aussi parfois des savoir-faire. Ces savoirs ordinaires sont mobilisables dans le domaine de l'accompagnement sexuel. Reconnaître ces savoirs, c'est aussi reconnaître la capacité de chacun-e à faire les meilleurs choix le ou la concernant. Ceci est valable pour les accompagnant-es sexuel-les formé-es mais aussi pour des personnes en demande d'accompagnement sexuel. Reconnaître ces savoirs ordinaires c’est enfin refuser de proposer des réponses toutes faites ou des catalogues de connaissance à acquérir pendant les formations. Parce que lorsqu'il s'agit de travailler ou d'étudier des humains, et la crise des sciences humaines et sociales en témoigne aujourd'hui, il est impossible d'être dans une science exacte. Cela nécessite une adaptabilité quotidienne à la diversité des situations individuelles rencontrées, sans possibilité d’établir des lois générales.

Nous le savons, l’APPAS demande une reconnaissance légale de l’accompagnement sexuel. Faisant face à de nombreux blocages moraux liés aux représentations du handicap, de la sexualité et de la prostitution, elle est aussi confrontée à des blocages liés à nos représentations de la santé en générale, de la santé sexuelle en particulier, mais aussi liés à la non-reconnaissance des savoirs ordinaires dans nos sociétés.

Si l'APPAS continue de lutter pour contourner ces blocages et faire reconnaître sa cause, elle doit être reconnue dans son expertise s’appuyant sur des savoirs ordinaires. Car c’est précisément ça favoriser une démarche en santé sexuelle. Pourvu que le message soit entendu et que la santé sexuelle ne soit pas mobilisée, instrumentalisée dans le champ du handicap, et de l’accompagnement sexuel, à des fins pathologisantes qui n'ont jamais été revendiquées par l'APPAS.

EDITO D'AVRIL 2017

Par Laetitia REBORD - Vice-Présidente & Coordinatrice des référents locaux de l'APPAS

A cette si belle rencontre qui m’a tant inspirée

 

A mon corps

 

Toi qui t’es créé avec une anomalie,

Toi qui as subi trop de souffrances imposées par la maladie,

Toi que l’on a malmené, parfois à raison, parfois à tort, par espoir d’amélioration,

Toi qui as grandi en devenant chaque jour un poids grandissant,

Toi qui aurais dû me permettre d’accomplir tellement de choses,

Toi que j’aurais secoué et fait vibrer pour étancher ma soif de sensations,

Toi qui as enfermé ma vie dans une immobilité tellement frustrante,

Toi qui as été manipulé par tellement de mains désincarnées,

Toi que j’ai beaucoup trop séparé de mon esprit pour aller de l’avant,

Toi que la dépendance m’a privé,

Toi que j’ai décidé de tatouer pour enfin te contrôler,

Toi que je voulais tellement retrouver,

Toi que j’espérais me réapproprier,

Toi que je souhaitais enfin aimer,

Toi que j’avais du mal à imaginer comme porteur de bien-être.

 

Un petit coup de main que je suis allée chercher pour toi et

 

Il t’a fallu peu de temps pour faire la différence entre un toucher-fonctionnel et un toucher-plaisir,

Il t’a fallu peu de temps pour me crier toute la normalité dont tu étais fait,

Il t’a fallu peu de temps pour me rassurer en me prouvant que je pouvais t’intégrer à mon identité,

Il t’a fallu peu de temps pour retrouver de la vie dans ton état le plus pur,

Il t’a fallu peu de temps pour me rendre mon moi entier tellement rayonnant et attirant,

Il t’a fallu peu de temps aussi pour m’apporter d’autres déceptions et frustrations,

Il t’a fallu peu de temps pour t’apercevoir que le travail ne faisait que commencer.

 

L’accompagnement sensuel et sexuel dont nous avons tous deux bénéficié a évidemment été déclencheur d’un mouvement et t’a permis de sortir de ton inertie.

 

Puis, au merveilleux hasard de la vie, une rencontre aussi délicieuse qu’inespérée, des gestes tendres, des caresses, des baisers et

 

Chaque parcelle de toi se réveille,

Chaque millimètre de ta surface parle,

Chaque frisson dont tu es parcouru et la moindre infime de tes nombreuses contractions me rendent tellement mobile,

Chacune de tes réactions me prouve à quel point je suis une femme comme les autres,

Chaque bout de toi, que j’ai tant détesté parfois, peut m’amener vers la jouissance.

 

Alors cher toi d’aujourd’hui,

Sois conscient de la chance que tu as,

Hors de toute attente, soudainement te sentir désirable aux yeux d’un autre que la vie a mis sur ton chemin quand tu en avais tant besoin,

Et qui restera la première personne à t’avoir si touché et t’avoir fait autant avancer,
Et avec qui tu espères encore découvrir beaucoup,

Te voilà incroyablement révélé, avec aujourd’hui cette faim de vouloir rattraper tout ce temps passé à douter de ton potentiel.

 

Toi que je peux maintenant nommer Je.

TRIBUNE DE MARCEL NUSS : HANDICAPS, SEXUALITÉ ET POLITIQUE

Par Marcel NUSS - Président de l'APPAS

La campagne pour les élections présidentielles bat son plein, les bateleurs politiques vendent et vantent leur programme, à l’instar de commerciaux aguerris, avec plus ou moins de succès. Pourtant, depuis des décennies, invariablement, inlassablement et obstinément, on nous ressert la même tambouille, avec les mêmes ingrédients, en modifiant juste le mode de cuisson et en variant les épices. Certains plats sont plus à mon goût que d’autres. Je trouve même quelques-uns franchement nauséabonds. Et d’autres quelque peu douteux. En tout cas, ils se rejoignent presque tous sur au moins un point : à ce jour, personne n’a abordé, du moins frontalement, le thème très controversé et polémique de la vie affective, intime, érotique et/ou sexuelle des citoyennes et des citoyens en situation de handicap ou de perte d’autonomie, parce qu’il est bien trop délicat à accommoder pour des palais à la pudibonderie a minima dogmatique.

Cependant, je commence à déceler un frémissement intéressant en provenance du milieu politique.

D’un côté, le Conseil Départemental du Bas-Rhin vient d’organiser dans ses locaux, le 14 février dernier, à l’initiative de son président, Frédéric Bierry, le premier débat tout public consacré à ce sujet « à risque » par un Département ; c’est au cours d’une discussion avec cet homme politique local, encarté chez Les Républicains, que le projet a germé début 2016 et qu’il l’a mené à son terme, comme promis. « Amours, intimité, sexualité et handicap : des mots pour le vivre ! » aura attiré près de 200 spectateurs, dont un petit groupe d’opposantes farouches à toute forme de prostitution, émanant de l’association Osez le féminisme ! À l’issue de cette soirée, d’autres pistes et projets ont été lancés par Frédéric Bierry, montrant qu’une dynamique est peut-être en marche.

Désormais, quel autre Conseil Départemental va avoir le courage d’en faire autant ? Quelles autres collectivités ou administrations seraient prêtes à susciter le débat ouvertement, à se saisir du sujet ? Car, comme je ne cesse de le répéter, il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’accompagnement sexuel – pas plus que d’être pour ou contre l’IVG, la PMA, le mariage pour tous ou le suicide assisté – mais d’admettre la réalité et la légitimité de demandes et de choix spécifiques, donc l’importance de respecter le libre choix et la liberté individuelle de tout un chacun, si nous vivons effectivement dans une démocratie digne de ce nom où les différences de convictions (religieuses, morales, philosophiques, politiques) cohabitent intelligemment. Pas plus qu’il ne s’agit de prétendre détenir la vérité mais une vérité qui a le droit d’être entendue et reconnue, qu’elle soit minoritaire ou majoritaire. Encore faudrait-il cesser de confondre ce qui relève de la loi et ce qui relève de la morale.

Par ailleurs, en l’espace de deux jours, l’Association Pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel (APPAS) a été contactée par la responsable du pôle « handicap, culture et jeunesse » du Parti de Gauche : Marie-Laure Darrigade et par Laurine Roux, candidate aux législatives pour le Parti Radical de Gauche, afin de nous rencontrer.

Certes, cela n’augure guère d’un engagement de la part de ces personnes en faveur d’une reconnaissance de l’accompagnement à la vie affective et sexuelle des citoyens et citoyennes en situation de handicap, mais c’est un signal encourageant envoyé par des personnalités politiques de droite et de gauche. Et c’est d’autant plus encourageant qu’au moins un postulant à la Présidence de la République, Jean-Luc Mélenchon, semble (indirectement) prêter une certaine oreille à cette cause.

En attendant, l’Association Pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel (APPAS) continue son petit bonhomme de chemin, dans une illégalité toujours aussi transparente et tranquille. Quelques chiffres sont significatifs : en deux ans, l’APPAS a enregistré près de 600 demandes d’accompagnement sexuel et formé quelque 45 candidat(e)s à ce type d’accompagnement, dont environ 25 le pratiquent plus ou moins régulièrement ou vont être en capacité de le faire dès ce printemps. Ces demandes ont doublé en un an et les postulant(e)s à la formation ne désemplissent pas, ce qui est stimulant car, à ce jour, seulement 25 % de mises en relation ont pu se concrétiser, en raison d’une insuffisance d’accompagnant(e)s et de leur dissémination inégale sur tout le Territoire ; par exemple, tout l’ouest de la France n’est pas ou mal desservi actuellement, alors que le nord-est, le sud-est et la région parisienne sont relativement privilégiés. Et puis, si éthiquement c’est une bonne chose qu’il y ait une quasi parité entre accompagnants des deux sexes, dans les faits, peu d’hommes se voient proposer des accompagnements sexuels, les demandes formulées par des femmes, des personnes transgenres ou homosexuelles n’étant pas pléthoriques, plus de 90 % de celles-ci restant l’apanage d’hommes en situation de handicap ou de perte d’autonomie, entre 18 et 97 ans. Toutefois, le nombre de demandes féminines augmente progressivement depuis quelques mois. Il me paraît aussi intéressant de rappeler que, contrairement aux idées reçues, 40 % des demandes concernent des contacts de corps à corps, de chair à chair, des caresses, des massages, de la sensualité, la possibilité de se projeter et de « se normaliser » par le biais de l’altérité et de se reconnecter à sa corporéité ; seuls 60 % relèvent à proprement parler de la génitalité.

Pour toutes ces raisons, plus que jamais, l’APPAS a la volonté de maintenir son cap. Néanmoins, pour ce faire, elle ne peut s’exonérer de soutiens politiques si elle veut obtenir un jour une exception à la loi sur le proxénétisme, qui ouvrirait la porte à une acceptation sans ambiguïté de l’accompagnement sexuel dans l’Hexagone, passage indispensable si l’association veut bénéficier d’une reconnaissance qui lui permettrait d’être entendue et soutenue plus aisément par des financeurs potentiels. Sans quoi, par manque de moyens, elle ne pourra jamais répondre aux nombreuses attentes et espoirs qu’elle nourrit depuis sa création.

EDITO DE FÉVRIER 2017

Par Marcel NUSS - Président de l'APPAS

Septembre 2013, naissance de l’APPAS.

Mars 2015, lancement des premières formations françaises à l’accompagnement sexuel et premières mises en relation dans la foulée.

Mars 2017, l’APPAS dénombre 117 adhérents et près de 600 demandes d’accompagnement à la vie affective, érotique et/ou sexuelle – dont malheureusement seules 25 % environ ont pu être satisfaites, essentiellement en raison d’un nombre d’accompagnant(e)s sexuel(le)s encore trop restreint et très inégalement répartis dans l’Hexagone, ainsi que de la localisation isolée et excentrée de beaucoup de demandeur(se)s, régulièrement trop éloigné(e)s des voies de communication principales, donc très difficiles à rencontrer.

Mais qui aurait imaginé une telle progression en si peu de temps ?

Et nous ne comptons bien évidemment pas nous contenter de ces avancées. Ainsi, au début de cette année, nous avons démarré une campagne de com’ sur les réseaux sociaux et une pétition sur change.org, afin de sensibiliser le grand public à notre cause – celle-ci a recueilli près de 1300 signatures depuis décembre, ce qui est nettement insuffisant pour être entendus efficacement mais néanmoins encourageant. De même, en parallèle des campagnes de com’ que nous avons prévues – que notre communicante, Chloé, qui nous a fraîchement rejoints, a concoctées et programmées –, nous allons faire un lobbying intensif auprès des parlementaires pour profiter de l’aspiration politique suscitée par la proximité des élections présidentielles. Sans compter l’organisation de la cinquième formation à l’accompagnement sexuel qui se déroulera au cours de ce mois de mars.

Et d’autres projets sont dans les cartons où ils restent cantonnés par manque de moyens financiers pour les mettre en œuvre. Au moins à ce niveau-là, il y a une stabilité, si j’ose dire. Le constat est certes désolant mais invariable d’année en année. L’APPAS aimerait faire bénéficier davantage de personnes en situation de handicap d’accompagnements à la vie affective, érotique et/ou sexuelle, mais également d’autres types de soutien inhérents à cette problématique, notamment pour les familles, qui plus est dans des conditions optimales, ce que nous n’avons pas la capacité de faire actuellement.

Nous avons deux solutions. Soit, trouver un ou des sponsors et autres financeurs – ce qui nécessite de la disponibilité, du temps et de l’énergie que nous n’avons pas forcément car nous ne sommes pas assez nombreux pour répondre à tous les besoins. Soit, être mieux soutenus par les personnes souhaitant bénéficier d’un accompagnement sexuel et de toutes celles qui font appel à notre expertise, ce qui est loin d’être le cas. En effet, la majorité des demandeurs et demandeuses trouve normal de profiter de ce service sans contrepartie autre que le coût relatif à un éventuel accompagnement sexuel. À tel point que cette majorité ne voit pas l’intérêt d’adhérer à cette association dont elle réclame, parfois de surcroît avec véhémence, les services comme si c’était un dû, alors même que cette adhésion ne s’élève qu’à 10 € par an pour les personnes « handicapées » ! Pourtant, cela représenterait pour l’APPAS un minimum de 6000 € de cotisations annuelles, une somme qui, aussi insignifiante qu’elle puisse paraître, pourrait aider l’APPAS à s’engager davantage.

Depuis le début, nous tablons sur le sens des responsabilités et de la solidarité des personnes en situation de handicap entre elles. Malheureusement, force est de reconnaître que loin s’en faut. Un très grand nombre de personnes en situation de handicap montre, jour après jour, son incapacité ou son refus à devenir pleinement responsables et solidaires, se comportant telles des assistées, comme pour ne pas déroger à l’image qui leur colle à la peau. Pour ma part, étant en situation de handicap moi-même, je déplore profondément une telle attitude, faite d’égoïsme, d’irresponsabilité et de calculs mesquins, du genre : « Si je ne reçois pas, je ne donne pas, car les autres je m’en fous » ou « L’accompagnement sexuel me coûte suffisamment cher, je ne vais pas aussi donner 10 €, surtout que je n’ai pas la garantie de pouvoir en bénéficier ».

Une avancée politique, sociale et juridique, repose invariablement sur la force et les convictions d’une communauté, d’une collectivité ou d’une nation. Il y a approximativement 8 millions de personnes en situation de handicap en France, auxquelles il faut rajouter les proches et les professionnels du médico-social, c’est-à-dire qu’il y a un potentiel pléthorique de soutiens possibles – même en soustrayant les personnes qui sont opposées à ce type d’accompagnement. On peut rêver. Ça tombe bien, il paraît que je suis un « utopiste réaliste »… Et, accessoirement, j’ai foi en l’humain et en son humanité.

Conclusion : je ne cesserai mon engagement que lorsque notre cause aura été entendue et reconnue à sa juste mesure. À moins que la mort ne me rattrape avant. Mais il doit bien y avoir un moyen de poursuivre le combat ailleurs …

Et vous ? Qu’allez-vous faire ?

Faites circuler notre pétition et soutenez-la ! Partagez notre campagne de communication entre vous ! Adhérez et encouragez les adhésions à l’APPAS ! Cela représente un investissement de cinq minutes et de 10 €… Que cinq minutes et 10 € ! S’engager plus pour offrir plus, aurait pu dire un illustre retraité…

EDITO DE JANVIER 2017

Par Caroline ZORN - Avocate docteure en droit

"Tel est le sens le plus profond du mot humanité : que nous sommes un lien, un pont, une promesse"

Henry Miller, Sexus, 1949

La nouvelle année est toujours une promesse : celle d’une suite meilleure, d’un avenir serein, d’une renaissance. Pour l’APPAS, et la cause qu’elle défend, nous souhaitons que 2017 soit l’année de la reconnaissance.

Il est difficile d’admettre que la liberté sexuelle rencontre encore aujourd’hui tant de détracteurs et doive être défendue avec tant d’ardeur. Et pourtant, les lancinants lieux communs sur l’accompagnement sexuel sont légions : « La personne handicapée a besoin en priorité de liens, d’une vie relationnelle satisfaisante [1] ! », « Les personnes handicapées ont bien entendu envie de pouvoir rencontrer quelqu’un [2] ».

Il est ainsi douloureux de constater qu’il n’est pas socialement admis que « le handicapé » ait des désirs aussi variés que tout être humain.

Le handicap, quel qu’il soit (mental, moteur, social), aurait un dénominateur commun : chercher une relation amoureuse stable. La surprise sera de taille pour certains lecteurs, mais il faut sans plus attendre les informer d’une réalité difficilement contestable : d’après les termes de la loi n°2005-102 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (article 114),  « Constitue un handicap (…) toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. » Ainsi, le handicap peut consister en une perte de libido, mais bien plus souvent il s’agit de la perte d’autres aptitudes, ce qui laisse persister un désir sexuel ! Il s’en suite que les désirs et aspirations d’êtres humains handicapés sont aussi variés que ceux de tout être humain : du romantisme au fétichisme, du sadomasochisme à l’asexualité.

De longue date, la Cour européenne des droits de l’homme permet à chaque citoyen de mener sa vie sexuelle comme il l’entend, même si son choix n’est pas celui du “plus grand nombre“.

Il ne vient plus à l’esprit de quiconque (en terres civilisées) de condamner l’homosexualité, de jeter l’opprobre sur celui qui préfère les unions d’un soir à l’union sacrée, ou d’interdire les mariages entre personnes ayant une grande différence d’âge.

Nous avons enfin pu séparer la sexualité de la reproduction, alors que l’épouse a été si longtemps assignée à son rôle dédié de mère de famille et rejetée quand elle ne pouvait le satisfaire. Fort heureusement, il n’est plus admissible (en terres civilisées toujours) de reprocher à une femme son choix de ne pas avoir d’enfant. Si séparer la question de la sexualité de celle de la reproduction est une avancée sociale, pourquoi refuser de la séparer de celle des sentiments amoureux ? Pourquoi renvoyer à l’image d’Épinal du « satyre [3] » ceux et celles qui souhaitent avoir une vie sexuelle sans exiger qu’elle soit aussi amoureuse ? La vie est une question de priorité, laissons à chacun le droit de définir les siennes.

Autre lieu commun sur lequel il est particulièrement difficile de débattre : « La prostitution n’est pas un choix, c’est une violence faite aux femmes [4] ».

Depuis peu, l’État sanctionne celui qui a des relations sexuelles en échange d’argent ou d’avantage en nature car nos députés sont convaincus que « la prostitution, (…) n’est pas l’exercice sublimé d’une liberté mais une souffrance et un drame humain » [4]. La loi du 13 avril 2016 est en réalité issue d’une volonté de lutter contre la prostitution, plus que contre les violences faites aux femmes et aux hommes victimes de réseaux mafieux. Au contraire, le gouvernement du Luxembourg affiche pour sa part la lutte contre la « traite des êtres humains » (Voir http://www.stoptraite.lu/fr/), qu’il s’agisse de prostitution forcée ou de tout autre violence subie (travail forcé, vente d’organes, mendicité, etc.).

Le mot prostitution (du radical du supin prostitutum de prostituo « exposer, mettre en vente » ) est trop chargé socialement pour refléter un pan de la liberté sexuelle et, pourtant, c’est une réalité. Pour certains hommes et certaines femmes, c’est un choix qu’il faut respecter, même s’il est difficilement compréhensible par “le plus grand nombre“.

Alors que la Cour Européenne des Droits de l’Homme admet que des pratiques sadomasochistes extrêmement violentes relèvent de la liberté sexuelle pourvu qu’elles soient consenties [5], pour le législateur français, l’inacceptable en matière sexuelle est d’être payé pour caresser… même si celui qui paie pour qu’on le caresse n’a jamais pu le faire seul. Seule la liberté doit faire foi.

Les liens entre Hommes font l’Humanité et c’est faire preuve d’Humanité que de permettre à chacun de choisir les liens qui souhaitent tisser. Le contraire, c’est un état de violence, d'oppression et de tyrannie.

Je vous souhaite à tous une bonne et heureuse année 2017 dans un pays que je voudrais plus libre.

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[1] CCNE, AVIS N°118 : Vie affective et sexuelle des personnes handicapées : Question de l’assistance sexuelle, 2012. Voir : Thierry JB., Les paradoxes de l’avis du CCNE sur l’assistance sexuelle. Rev Jurid Personnes Fam 2013;5:4 ; PY B., « De l’assistance sexuelle à l’accompagnement érotique des personnes en situation de handicap », Revue Sexologies, 2015, 24, pp. 134-139.

[2] PIOT M., Réponse Marcel Nuss janvier 2013 suite à l’article de Libération du 4 janvier 2013.

[3] N’oublions pas que le satyre est la divinité représentée avec un corps d'homme, des cornes et des membres inférieurs de bouc, réputé pour son comportement libidineux, mais aussi un très beau papillon diurne à grandes ailes marquées de brun roux et de jaune !

[4] Rapport d’information sur la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, publiée au Journal Officiel du 14 avril 2016, disponible à : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1360.asp

[5] Cour. EDH, 17 février 2005, K.A et A.D c/ Belgique

EDITO DE DÉCEMBRE 2016

Par Michael SABATIÉ - Trésorier de l'APPAS

C’est bientôt Noël ! Et une nouvelle année va suivre.

Sera-t-elle aussi teneuse d’espoirs que celle qui vient de s’écouler ? Réponse dans 1 an.

La période actuelle n’est pas celle de l’année qui me passionne le plus. Je suis par exemple bien plus intéressé par la période proposant différentes compétitions sportives se déroulant aux 4 coins du globe et c’est sur l’accessibilité aux stades que je souhaite consacrer cet édito.

Depuis mon plus jeune âge, j’ai eu la chance de pouvoir assister dans les stades à de grandes compétitions sportives. Depuis la petite dizaine d’années où je milite dans le milieu du handicap, j’observe et me pose toujours la question si une personne en fauteuil peut voir le même match que moi dans de bonnes conditions. Vous vous doutez bien de la réponse.

Je ne parlerai même pas des anciens stades où différents trottoirs, escaliers et autres marches rendent l’accès aux Personnes Handicapées impossible. Et quand bien même elles y arriveraient, elles seraient parquées quelque part tout en bas dans la fosse avec une vue quasi nulle sur le terrain.

Ce qui est plus inquiétant, c’est l’attention réservée à ces Personnes dans les nouvelles enceintes. La loi Handicap du 11 février 2005 sur l’accessibilité n’a pas dû être lue de la même façon par les architectes. Certes il y a des rampes et des ascenseurs dans les stades mais ça s’arrête là. On ne s’est pas posé la question de savoir dans quelles conditions les Personnes Handicapées arrivaient aux stades ni dans quelles conditions elles pouvaient voir les matchs.

Je ne vais pas faire ici de la mauvaise publicité pour ces mauvais élèves, la liste serait trop longue, mais plutôt parler de ceux qui ont vraiment joué le jeu et qui considèrent les Personnes Handicapées comme des spectateurs à part entière. J’en ai retenu 3.

Tout d’abord Eindhoven. La Hollande est réputée pour avoir franchi le virage sociétal bien avant nous et d’intégrer les Personnes Handicapées dans la vie courante au même titre que les personnes valides. Dans le stade du PSV Eindhoven, les personnes en fauteuil se trouvent juste à côté du banc des joueurs remplaçants et des entraineurs, quasiment sur la pelouse. Et elles sont toutes accompagnées par un bénévole du stade qui les emmènent et les guident vers la sortie. Le seul risque qu’elles prennent est celui de se prendre un ballon dans la figure mais les bénévoles veillent au grain car c’est de leur responsabilité.

Ensuite Stuttgart. Certains VIP échangeraient bien leur place contre celle des Personnes Handicapées. Un espace surélevé et centré a été aménagé lors de la rénovation du stade il y a 4 ans. Et à la fin du match, c’est le 1er endroit où se dirigent les joueurs pour donner leurs maillots avant même d’aller voir le bloc des supporters.

Mais la palme incontestable revient au stade Matmut Atlantique de Bordeaux qui a été construit pour l’Euro 2016. Au 1er niveau une plate-forme géante faisant l’intégralité du tour de la pelouse a été aménagée. Les personnes en fauteuil peuvent se déplacer où bon leur semble pour voir les rencontres, peuvent se restaurer à souhait et accéder aux toilettes aménagées. Peut-être que l’actuel maire de Bordeaux y a été pour quelque chose dans cette réalisation ? Il aurait été intéressant de voir quelle aurait été sa vision du handicap (qui a totalement été occultée pendant la campagne) si les urnes en avaient décidé autrement.

Si j’ai l’occasion de passer au stade de Sablé-sur-Sarthe d’ici le mois de mai, je me ferai une opinion de ce que sera la politique du handicap de notre peut-être futur Président.

Joyeuses fêtes !

EDITO D'OCTOBRE 2016

Par Pascal DREYER - Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

Les lieux de l’intime

 

Depuis Virginia Woolf et son très bel essai d’abord publié sous le tire Une chambre à soi et plus récemment par Un lieu à soi (trad. Marie Darrieussecq, Denoël, 2016), il est généralement admis que chaque individu, quel que soit son âge, doit pouvoir disposer d’un lieu à soi. Ainsi, les parents sont vivement encouragés, dans la mesure de leurs moyens, à donner à leurs enfants un espace personnel le plus tôt possible. Et à toutes les étapes de la vie, chaque membre de la famille revendique d’avoir un lieu, une pièce, un coin à soi : l’atelier, le bureau, le garage, la salle de jeux sont, parmi tant d’autres, ces espaces qui nous construisent. Car le lieu à soi, celui que l’on s’approprie en s’appropriant soi-même, est la projection, dans la matérialité de la maison et dans le chez-soi, de l’espace intérieur que nous nous construisons depuis notre petite enfance, avec l’aide de nos parents, puis de nos pairs et enfin de manière autonome. Le travail de construction de cet espace intérieur est sans fin car il ne cesse de se modifier, de s’enrichir ou au contraire de se vider, un peu comme une maison. Il doit être à la fois solide et souple pour permettre à l’individu de vivre sa vie et constituer un havre de silence où il peut venir se retirer lorsqu’il est fatigué ou blessé.

 

Il est finalement assez singulier de constater qu’aujourd’hui encore les personnes en situation de handicap semblent échapper à cette loi générale. Bien sûr la société, les familles et les professionnels font beaucoup pour elles : des lieux spécifiques ont été créés pour elles et leur sont dédiés. Lieux de soin, lieux d’éducation et d’apprentissage, lieux de travail, lieux de vie collective, etc. Mais lorsque ces personnes revendiquent ou demandent un lieu pour elles-mêmes, c’est-à-dire qu’elles nous demandent de reconnaître qu’elles ont aussi un espace intérieur à projeter sur l’extérieur et à défendre, les choses se gâtent. C’est comme si, soudain, la collectivité leur déniait l’existence d’une intériorité semblable à celle de tout autre être humain et la possibilité de la voir se concrétiser dans une maison qui est aussi et d’abord un chez-soi.  

 

Le combat de l’APPAS est, comme à l’époque celui de Virginia Woolf pour les femmes, le combat pour un lieu à soi pour les personnes en situation de handicap. Et ce lieu à soi, qu’il soit psychologique d’abord et concret ensuite, est en lien étroit avec la possibilité d’exercer librement sa sexualité.  Disposer d’un lieu à soi c’est reconnaître de la valeur, une valeur inaliénable, à son for intérieur, à son intimité, à ses désirs. Ils ne se réaliseront pas tous, mais cet espace intérieur est le lieu de leur accueil et de leur élaboration. Il est la « chambre » où ils acquièrent leur densité et leur forme. Il est le l’endroit d’où ils vont pouvoir partir, comme des messagers, pour être exprimés, partagés, discutés. 

 

Et c’est à partir du moment où l’individu, en situation de handicap ou pas, dispose d’un espace intérieur qu’il s’est façonné lui-même, qu’il peut revendiquer un espace concret où il sera seul, où il accueillera qui il veut, quand il veut. Exercer sa sexualité, librement (ou du moins aussi librement que possible) suppose ce lieu à soi, connu, aimé et sécurisé. Un lieu de l’abandon, du rêve, du désir de l’autre. Ce lieu se construit dans l’esprit et dans le corps mais aussi dans les espaces concrets de la maison personnelle, de l’institution ou de l’appartement collectif. « Pouvoir fermer sa porte et éprouver le sentiment d’être seul » comme l’avait si bien dit Marcel Nuss lors de l’une conférence en 2009 « c’est s’éprouver comme sujet et comme personne libre », soustrait enfin au regard évaluateur et jugeant des autres. C’est avoir la main sur son environnement, c’est être soi.  

 

Dans le combat de l’APPAS, il y a cette revendication qui ne devrait même pas avoir à être reconnue – et pourtant il faut qu’elle le soit par les proches, les professionnels mais aussi la société toute entière : celle d’accéder à la construction de soi et celle d’être soi, avec l’aide des autres.

EDITO DE SEPTEMBRE 2016

Par Nadine MESROBIAN - Secrétaire adjointe & Accompagnante sensuelle et sexuelle formée par l'APPAS

EN SEPTEMBRE, DU BOIS TU SORTIRAS

 

C’est la rentrée ! Pour certains, le terme d’une longue période estivale durant laquelle ils se seront ennuyés à mourir parce que pas un rond pour aller se changer les idées ailleurs, pour les autres l’excitation de reprendre le rythme qui les tient 11 mois sur 12 avec intérêt et allant, pour d’autres encore un ni chaud ni froid sans particularité, tout comme d’hab et c’est tout. La rentrée c’est surtout marquant lorsqu’on va en cours ou qu’on est parents d’enfants qui  y vont encore n’est-ce pas.  

Il y a longtemps que je ne prépare plus ni cahiers ni ce qui les remplace aujourd’hui pour entamer la nouvelle année scolaire mais l’effervescence de cette période me prend forcément un peu dans son sillage, j’y retrouve d’anciennes sensations oubliées, en fait c’était plutôt cool ce temps là…

 

En ce qui concerne l’APPAS, Septembre apporte vent frais et recrues de bon augure. Nous nous réjouissons de l’arrivée de trois nouvelles personnes pour soutenir et développer ce qui est déjà en route. Trois femmes.

Et puis c’est aussi la mise en ligne de notre petit sondage destiné aux femmes.  

Tiens encore des femmes. Pourquoi que des femmes alors ? Les mecs on se moque de leur avis ou quoi ?  

Non non, pas exactement.  C’est simplement que les mecs ils sont partout, ils causent partout, on n’entend qu’eux et on ne voit qu’eux. Je pense aux lieux où les choses se décident évidemment, parce que dans bien d’autres endroits ce sont les femmes qu’on met en avant, ah ben oui, on le sait tous – mais là n’est pas le propos du jour.

 

Quand j’étais môme y’avait un blondinet célèbre qui nous hurlait dans les oreilles qu’il ne les trouvait plus  «Où sont les fâââmmes ?» qu’il serinait du matin au soir en affolant la jeunesse.  Planquées ?  En voie d’extinction ? Hachées menu puis offertes en gratins ?  Séquestrées dans les caves ? Ou, peut-être, en train de se faire la malle, se dire qu’elles pouvaient vivre autrement qu’avec des sourires plein de larmes et tout son bazar neuneu à Lui.  

Alors que pourrait-on lui répondre 40 ans plus tard au blondinet ? 

C’était pas la peine de flipper mon pote finalement, tu vois bien qu’elles sont toujours là, les femmes,  où on les attend, où on les assigne, en plus.     

 

Oui je sais on me dira que les choses ont bien évolué depuis ….  Heu justement depuis…  La Renaissance peut-être ?  La Révolution Française ? Simone De Beauvoir ? Le vote et le compte chèque sans l’aval du mari ?  La loi Veil ?   

Certes on n’en est plus à faire griller le mammouth comme Lucy, on nous offre des micro-ondes et on peut même se rebeller sans risquer les ecchymoses d’un mégalithe projeté sur la tronche (quoi que…).  Mais passons-nous d’inventaire dans un sens comme dans l’autre et admettons que oui, notre condition a quitté ses stigmates antédiluviens.  Reste que ce qu’on voit, nous, à travers le prisme de l’asso, c’est que l’accompagnement sexuel ne concerne a priori que les hommes. 3% de demandes provenant de femmes si c’est pas une portion qui confine au symbolique alors qu’est-ce que c’est….     Pourtant elles sont bien quelque part ces femmes qui, tout autant que les hommes, aimeraient qu’on touche leur corps, qu’on leur offre des sensations qu’elles n’ont, pour certaines, jamais éprouvées, qu’on s’occupe un peu d’elles juste pour  le plaisir, LE-PLAI-SIR, même si c’est contre quelques billets.    

 

Quelles indications le sondage cité plus haut pourra t-il nous apporter que nous ne connaissions déjà ?...    Il est important d’y répondre individuellement puisque nous traitons les demandes au cas par cas et que de ce point de vue chaque femme exprime quelque chose de singulier, mais la collection des réponses n’élucidera hélas aucun mystère. Pour l’heure, la piqûre de rappel la voici : 3% de demandes 3% seulement. Que ceux qui n’y voient aucun symptôme de dysfonctionnement lèvent la main….

Dans le contexte du Handicap comme dans l’ordinaire de la vie de ceux qui ne souffrent d’aucune restriction d’autonomie, les rôles, les imaginaires, les clichés sont peu mobiles et sans surprise.   Que reste t-il, dans le champ de la Sexualité et du Handicap, des années soixante dix, emblématiques pour bon nombre de choses liées aux mœurs, aux idées dites progressistes ?    

 

La manière d’être en couple a quelque peu changé, celle d’être parents aussi, et LE progrès majeur demeure évidemment la maîtrise de la fécondité (quoi que les dernières statistiques témoignent d’un inquiétant retour en arrière en la matière).   Mais pour ce qui est de la Sexualité, la division des rôles, les projections collectives, les représentations esthétiques et artistiques demeurent tenaces.  L’accès à la pornographie sous ses formes les plus diffusées (faite par des mecs pour des mecs) nous montre en effet que les femmes ont réapparu (coucou Blondinet on est là !) et en nombre même, mais un peu toutes pareilles, toutes au service de la jouissance de l’homme et de la bonne marche des affaires sociales.  Youpi. 

 

La situation de handicap induit souffrances et frustrations pour de nombreux hommes, en tant qu’accompagnante je le vérifie au plus concret et sensible, pas question de le nier ni de le traiter par le mépris ;  mais n’est-ce pas pire encore pour les femmes ?  Comment notamment  interpréter qu’elles nous fassent parvenir si peu de demandes sauf à réaliser une fois de plus que ce qui relève de l’expression sexuelle de base est encore le terrain privilégié des hommes. Parallèlement, beaucoup de gens n’admettent même pas l’idée d’un accompagnement pour les hommes, je sais, mais l’ont-ils seulement envisagé pour les femmes ?  

La sexualité est de plus en plus libre, dit-on.  Ah ?... Voyons laquelle et comment : hétérosexuelle, entre personnes valides, au sein de pratiques pas trop limites.   Libre alors ? Mais à ce qualificatif grandiloquent qui entretient son lot d’illusions à la petite semaine je préfère autorisée. Elle n’est autorisée donc, que dans les territoires que la morale, la reproduction de l’espèce, les normes esthétiques de l’époque nous concèdent.   Et dans tous les cas cela ne s’applique pas aux personnes handicapées en perte d’autonomie, ou incapables d’exprimer leurs désirs par la parole par exemple, car elles, il semble avoir été décidé une fois pour toutes que leur univers se limitait à la nécessité. Boire, manger, dormir, évacuer + quelques distractions d’ordre divers maintenant le minimum d’équilibre psychique afin de ne pas pourrir outre mesure la tranquillité de la collectivité, mais qu’on se rassure, point d’amusements  mettant  explicitement en scène le sexuel.   

 

Hommes et femmes n’ont peut-être pas la même sexualité mais tous sont fabriqués pour en avoir une. Entre parenthèses je crois aussi que l’on peut tranquillement et joyeusement décider de vivre une partie de son existence sans activité sexuelle (idée aujourd’hui  incompréhensible et inimaginable à bien des esprits, que j’ai à cœur de défendre autant que celle de l’accompagnement sexuel) mais depuis ma place d’accompagnante cette parenthèse ne s’exprime évidemment qu’entre moi et moi.  Alors disons que chacun étant fabriqué pour l’activité sexuelle il est juste qu’à certains moments elle s’exprime et qu’il ne soit pas incommensurable de trouver moyen d’y satisfaire. Ce  qu’à l’exception des tabous contemporains (inceste, scato, nécro, zoo et pédophilie) on admet – voire on encourage –  pour tout le monde. 

 

Cependant, sans  jouer la ronchon de service il me semble que les femmes, elles, ont toujours un chemin supplémentaire à parcourir pour obtenir le même morceau de sucre ; c’est pénible à force.  Et pour les femmes handicapées un chemin encore moins facile. Parsemé d’embûches, d’ornières et de bouillasse.  On les aide à traverser, à monter dans les bus, à saisir les marchandises hors de portée dans les magasins, à faire du sport, à aménager leur appartement, on est bien serviables. Mais est-ce qu’on les aide à coucher ? (ah si pardon, on les aide à se coucher, et c’est pas qu’une mauvaise vanne)   

   

A qui osent-elles parler d’emblée de leur désir d’avoir une relation sexuelle comme certaines femmes le balancent entre la poire et le fromage dès le premier dîner ? « J’ai envie de coucher avec toi » qu’elles disent l’œil pétillant sans autre crainte que la réception d’un simple « Ben pas moi… » (ce qui avouons-le est assez rare tant les hommes sont peu contrariants sur le sujet)    Qui devancera la question avec aisance et à propos ?  Quel homme face à une femme handicapée ne s’orientera pas systématiquement vers une relation où le corps n’aura pas à intervenir ?    Pour telle femme hétérosexuelle affichée combien d’hommes de passage imagineront en sa compagnie qu’ils pourraient,  comme dans le tout venant de beaucoup de rencontres, terminer la soirée au lit dans une partie de baise enflammée ?  Que s’imagineraient-ils pourvoir faire près d’un corps qui ne s’accorde pas, se persuadent-ils, à leur routine gestuelle ? Oseraient-ils seulement aborder la question ?  Se dire que ce qu’ils ont coutume de faire n’est certes peut-être pas possible mais que d’autres positions, d’autres attitudes le sont ?  Que des caresses, de la tendresse et de la douceur feraient bien mieux l’affaire que les séances de gymnastique auxquelles ils s’adonnent généralement. Penseraient-ils, ces hommes, qu’il n’y a pas que leur façon de baiser à eux qui vaille et qui donne du plaisir ?  (les viriles ambitions d’acrobatie ont la vie dure)   

 

Les femmes en situation de handicap cumuleraient donc le handicap lui-même et le fait d’être femme, un handicap ajouté façon deux pour le prix d’un vous voyez.   Parce que si on y réfléchit sérieusement, 3%  de demandes c’est à peine croyable, tellement loin de ce qu’on sait de la réalité des besoins et des désirs humains !….  

On ne peut hélas rien DÉCRÉTER en la matière.   Une certaine réflexion politique finira, je l’espère, par faire avancer la question de l’Accompagnement Sexuel en France, faut juste pas être pressé.

Pour ce qui est de la façon dont on se représente la sexualité des femmes handicapées en revanche il faudra aussi que bougent les relations hommes/femmes en général et  ce qu’on projette sur leur sexualité en particulier.  On avance on avance comme disait l’autre, oui, mais à allure de limace. 

En attendant, il y a des accompagnant(e)s qui ne demanderaient pas mieux que de passer quelques heures avec une femme, si elles se manifestaient.   

 

ALLEZ LES CHERCHER !! 

Vous qui connaissez à la fois notre asso et des femmes handicapées timides, peu sûres d’elles, pas aidées par leur environnement direct, dites leur qu’on peut probablement quelque chose pour les réconcilier avec cette part endormie de leur corps, qu’elles n’ont pas à y renoncer avant d’avoir tenté.   

Je suis une fille je sais de quoi il retourne,  le marché de la séduction revêt bien plus souvent les aspects d’une foire au jambon que ceux d’un boudoir du XVIIIe siècle, on fait dans le graveleux, le manque de subtilité, la satisfaction immédiate, on jauge au premier regard, on scanne, on soupèse, on valide ou on rejette.  Impossible de ne pas se sentir a priori hors jeu quand, en plus de ne pas correspondre aux critères du moment (qui valsent eux aussi régulièrement), on est en  situation de handicap visible.

La bonne nouvelle c’est que, tout de même, on n’est pas tous bâtis sur le même moule. Des gens dont le cerveau, le cœur et le sexe réagissent aussi à d’autres stimuli existent, on en connaît, on aimerait que vous, les femmes qui vous sentez hors course, puissiez profiter de leur sensibilité sincère, de leur chaleur, de leur disponibilité.

EDITO D’AOÛT 2016

Par Carol BORGO - Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

L’espoir est le fait d’attendre avec confiance la réalisation de quelque chose de favorable et que l’on désire et souhaite.

Croire, souhaiter, désirer… L’espoir est tellement lié à la condition humaine qu’un proverbe populaire bien connu dit :

« l’espoir fait vivre ».

 

Depuis des mois que je me creuse la tête pour trouver une solution légale afin que l'un des miens puisse avoir accès librement à une sexualité et ne désirant pas avoir recours à la prostitution clandestine, je me suis posée des centaines de questions, j'ai lu des articles favorables ou défavorables à l'accompagnement sexuel et il me semble évident aujourd’hui que nous rentrons dans la non assistance à personne en souffrance… qui se rapproche de la non assistance à personne vulnérable ou en danger !

Si l'on revient à la notion de la non assistance à personne en danger, on sait que ce  n’est pas un délit fréquemment poursuivi et encore moins condamné, car sa particularité n’est pas de reprocher à quelqu’un d’avoir commis un acte mais bien, au contraire, de n'avoir pas agi !

Si certains opposants fermes pensent que l'accompagnement sexuel constitue une atteinte inacceptable aux droits et à la dignité des humains, il faudra donc entendre aussi que le non agir constitue une infraction.

Parler à la place de quelqu’un, de ses envies, de ses désirs et fantasmes, pourrait   paraitre déplacé, osé… Il n'en est rien et je suis tout à fait à l’aise pour en discuter et aller de l'avant afin de faire avancer et bousculer tous ces faux tabous, qui ne sont sur le fond qu'une manière de se rassurer d'être dans la norme et de ne rien faire de mal. C’est typique, presque tragique et tout simplement français.

 

A l'époque où le web nous inonde de pornographies en gros plan et où les forums sur les sexualités ont banalisé ce qui était considéré avant comme hard, à l’époque  où les clubs échangistes et autres se multiplient, il est un peu dénué de sens de parler de droit à la dignité dès qu’on aborde le sujet sur la sexualité des personnes en situation de handicap et surtout de ne rien envisager. Il me semble tout à fait normal que les portes du plaisir soient ouvertes à tous.

Si ces discussions sont remises sur le tapis cette dernière décennie, il faut bien reconnaitre que nous n’avançons pas vraiment et les années passent sans qu'il soit proposer des solutions concrètes alors que la Suisse, l’Allemagne, l’Italie et bien d’autres pays ont avancé sur ce sujet. 

Se cacher derrière un écran pour calmer ses hormones et parler de sexe avec des inconnus, (dont on ne saura pas l'âge) n’a plus  rien d inquiétant, organiser des « parties » chez soi entre amis est devenu monnaie courante, mais envisager  qu’une personne en situation de handicap fasse appel à un accompagnant sexuel s’avère impossible et presque illégal !

 

A l’annonce de la conférence sur le thème Sexualités et Handicaps, notre association EDEN a reçu de vives critiques de la part de familles concernées. En effet, ce sujet reste encore tabou d'autant plus que nous habitons en milieu rural et  l’un des parents  m’a dit très ouvertement : « mais vous ne croyez pas que l'on a autre chose à faire que de penser à ces choses-là ?? ». Je reste encore stupéfaite de cette réflexion.

De mon côté, avoir osé dire que, personnellement en tant que mère d'un jeune adulte en difficulté, je cherchais à répondre aux besoins qu’exprimait mon fils, a fait de moi une véritable proxénète et une mère indigne.

Donc que les  personnes handicapées aient accès à l'amour, à l’affection, à la sexualité ou au plaisir… NON !

Ils n’ont pas besoin de cela, et d'ailleurs c’est trop dangereux, trop complexe, on ne veut pas entendre parler de tout ceci.

Je n’irai pas jusqu'à affirmer que la problématique est simple, mais des solutions existent pour que chacun de nous puisse accompagner ses proches et faire en sorte que leur vie ressemble à celle qu’ils auraient aimé avoir, chargée d’émotions et de découvertes. Nous savons que toutes ces sensations sont d’excellentes armes pour un épanouissement global et que celles-ci unifient corps, mental et esprit.

 

Il existe des centaines de façons de faire ses premiers pas dans l’échange et le partage avec l’autre, et aujourd’hui, je parlerai du massage tantrique, qui est comme tous les massages en France, pratiqué, autorisé et surtout légal.

C’est une technique bénéfique et ouverte à tous, en situation de handicap ou pas.

Il est en lien avec les enseignements sur la sexualité et constitue un échange subtil où l'abandon de soi ouvre les portes du plaisir.

Certes, devant le caractère fortement érotique de ce massage, il faudra aller à la recherche d’un bon masseur, en sachant que la technique du tantrique n'a pas de normes figées.

Heureusement, il existe des masseurs et des masseuses de grands talents, qui par leur compréhension personnelle du tantrisme et une grande générosité de cœur, obtenue souvent par un important travail sur soi, sont à même de proposer de merveilleux voyages.

Les mains du masseur, de la masseuse glissent des pieds à la tête de son partenaire et l'idée est d'introduire dans le corps un frémissement, une vibration, qui rend toute pensée difficile.

Cela débloquera des émotions pour permettre d'accéder aux sensations bénéfiques du toucher.

 

Pour conclure, et en attendant que l'accompagnement à la vie sexuelle et que les formations professionnelles d’accompagnants sexuels soient reconnues et valorisée, accompagnons nos proches en situation de handicap vers des solutions à portée de mains.

EDITO DE JUILLET 2016

Par François VIALLA - Conseiller juridique de l'APPAS

« On peut être sérieux sans être tristes »

 

Curieuse entrée en matière que ce titre ? 

Je m’empresse de donner une explication : il s’agit de la « devise » du Centre Droit & Santé’ que j’ai l’honneur d’animer depuis de nombreuses années. 

Passant de la parole aux actes, depuis plus d’une décennie, nous organisons un « concours » annuel francophone de plaidoirie en droit de la santé. Nous recevons, donc, des quatre coins de la France et des pays francophones des étudiants, qui par équipes de quatre, vont s’affronter dans le cadre des « 24 heures du droit de la santé ». Le « sujet » posé est, chaque année, un film tourné par l’équipe pédagogique du Centre. Assurément, le 7ème art n’en sort pas grandi, mais c’est pour nous l’occasion de nous amuser sous un prétexte des plus sérieux.

 

Lassés des éternelles et inépuisables questions de responsabilité médicale, nous avons décidé cette année d’aborder un thème jusqu’alors inexploré dans notre concours : la sexualité en « institution ». 

 

Le titre du « film » ? « La clinique de la forêt vierge » ou « la villa trouble-fourrer » selon les versions… 

Les rôles ? 

Les forces de l’ordre : Captain Morgan et  Lieutenant Boudyoncé ; Les professionnels de l’établissement de santé : Docteur Sissy Phylis, Lauren Champagne,  Nancy Cagole, Sir Gims ; La patiente : Lady Ellen da Roz ; Les accompagnants : Douglas Vanille,  Mickael Malibu,  Jean Phil.  

Le « pitch » est sans prétention d’originalité. 

Les personnes accueillies à la clinique sont, quand elles le souhaitent, accompagnées sur « une aire d’autoroute » dans  un véhicule de l’établissement. A la suite d’un accident de la circulation, le Conseil d’administration de l’institution décide « d’internaliser » les prestations d’accompagnement… ! 

Les ennuis commencent. A la suite de l’intervention des forces de l’ordre, le Directeur Sir Gims est mis en cause pour proxénétisme par entremise. 

La suite ? 

Elle relève de l’inventivité des étudiants plaideurs qui se sont opposés après 24 heures de préparation.  

 

Nous étions, cette année, accueillis pour le concours dans la ville de Lamalou les Bains, dans l’arrière pays héraultais. Les plaidoiries se sont déroulées, en public, dans le théâtre de la ville. De nombreux directeurs d’établissements de santé, des élus locaux, des « usagers’’ ont assisté aux prestations des étudiants. 

 

Pourquoi évoquer, ici, cette manifestation ? Pour rappeler que tous les moyens sont utiles pour aborder une question qui dérange encore beaucoup de monde. Modestement, les 24 heures du droit de la santé auront permis de sensibiliser les étudiants (futurs professionnels du secteur de la santé), mais aussi le public, notamment les directeurs et les cadres qui ont assisté aux plaidoiries. A la suite de ces journées, plusieurs demandes de formation ont été émises. 

 

C’est peu ? C’est un début. 

 

Pour ne pas le vexer, j’ajouterai que l’équipe lauréate venait du Master de droit de la santé de Nancy, dirigé par un certain Pr. PY.

EDITO DE JUIN 2016

Par Fabrice FLAGEUL - Accompagnant sexuel & Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

Propos tirés du site XXIe SEXE

 

Masseur de métier, je suis aujourd'hui également accompagnant sexuel pour personnes handicapées et j'ai suivi la formation de l'APPAS en 2015. Depuis, je n'ai eu qu'une demande concrète, celle de Sylvie. Il faut dire que beaucoup plus d'hommes recourent, ou plutôt osent recourir à l'accompagnement sexuel.

 

L'association nous a mis en contact. Entre Sylvie et moi, ce sera un simple mais long coup de téléphone. Elle habite à Paris.

 

Elle voulait du sexe. Pas de l'affection. Sylvie est pleine d'entrain et en vient très vite à ce qu'elle attend de moi. Elle m'avait vu en photo et vidéo sur le site de l'APPAS. Je lui plaisais physiquement. Quant à moi, je n'avais aucune certitude. Ni de la désirer, ni d'avoir une érection. Mais je lui ai soutenu qu'on allait réussir. Je suis alors parti à Paris pour 24 heures.

 

Je suis arrivé la veille au soir. Ce n'était pas forcément une bonne idée après réflexion. Il était difficile de créer du désir dans un tel univers. Petit appartement dans un HLM et lit médicalisé de 90 cm de largeur : pas très glamour pour moi qui suis très sensible à la sensualité et au bien-être.

 

Nous avons tout de même fait l'amour des heures durant, en plusieurs fois. Un peu décontenancé au début, j'ai ensuite senti une chimie sexuelle avec elle.

 

Nous ne nous sommes pas embrassés une seule fois. Elle voulait juste sentir un homme en elle. Un homme qui la respecte. J'ai eu plus de plaisir avec cette femme qu'avec certaines bombes avec qui j'ai fait l'amour. Sylvie n'a pas les critères beauté du moment. Jambes non entièrement formées, très serrées, corps tordu, spasmes réguliers : seul le haut de son corps paraît intacte. Je reconnaissais l'anatomie d'une femme par sa poitrine, son sexe, mais c'était dur de la regarder au début. 

 

La levrette est devenue notre position phare. Les malformations de Sylvie ne permettent pas toutes les positions. Je pense que je n'aurais jamais pu lui faire l'amour il y a dix ans, lâche-t-il, cela aurait trop traumatisant pour moi. 

 

Sylvie m'avait demandé dès notre première conversation téléphonique de sucer son sexe. Elle avait peur. On l'avait forcé tant de fois. Elle n'avait jamais vécu cet acte comme beau, sensuel et complice. Nous y sommes allés tendrement. Pour la première fois, elle n'assimilait plus fellation à traumatisme.

 

Pour moi, c'était une première. Je n'avais eu alors qu'une formation de quatre jours. J'ai appris à ce moment que j'étais considéré comme prostitué et l'association comme proxénète puisqu'elle met en relation demandeur et offrant. J'ai découvert les handicaps et ce qu'ils induisent comme limite. 

 

Dans mon métier, je réalise de l'aide psycho-corporelle. C'est comme aller chez le psy sauf qu'on travaille sur le corps, et non le psychique ou la parole. J'avais déjà entendu parlé des accompagnants sexuels. Mais seulement à l'étranger. Je n'accepte pas l'idée qu'on ne puisse pas aider les gens qui ont envie de faire l'amour, c'est terrible quand même ! 

 

Je suis prêt à aider tous les types de demandeurs. Avec le soutien de ma compagne. Tous deux libertins, nous ne croyons pas en la fidélité comme on l’entend ici au niveau culturel, sur le plan sexuel. 

 

Je pense que j’aurais des difficultés avec un homme handicapé, je ne me sens pas encore prêt. » Je n’aime pas la violence. J’ai déjà du mal à claquer une fesse quand on me le demande.

 

J’ai souffert de ne pas pouvoir faire l’amour autant que j’en avais envie. Quand j'étais plus jeune, je n'étais pas un sex-symbol. Je n'avais pas de copine, j'avais besoin de sexe et je me masturbais deux fois par jour, minimum. Ce n’est pas pour rien que je suis devenu masseur. 

 

L’accompagnement sexuel n’est qu’un pas de plus vers mon bien-être. Et vers celui des personnes handicapées.

EDITO DE MAI 2016

Par Pierre ANCET - Philosophe & Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

« Il est handicapé et en plus il est homosexuel ? »

 

L’idée même ne lui avait pas traversé l’esprit. C’était une remarque spontanée de la part d’un auditeur pendant l’une des conférences que je donnais sur la thématique du handicap et de la sexualité. « Et en plus » indiquait sans doute qu’il concevait l’homosexualité comme une forme de déviance ou d’anormalité, venant s’ajouter à une autre forme d’anormalité supposée qu’est le handicap. Ce cri du cœur était très révélateur, sans doute parce que beaucoup d’autres personnes dans la salle partageaient cet étonnement sans le manifester. Mais il en dit long à la fois sur la conception du handicap et des pratiques et orientations sexuelles. A une « déviance » par rapport aux normes, on ne va pas en ajouter une autre (celui qui est déjà frappé par le handicap ne va pas en plus être homosexuel…).

 

J’ai pu constater en discutant avec d’autres personnes, pourtant très au fait des questions gay – lesbiennes, que cette idée ne leur était jamais venue non plus. L’une d’elle me disait qu’elle pensait que les personnes vivant avec un handicap devaient vouloir se normaliser dans le champ de la sexualité… tout en reconnaissant immédiatement que c’était ridicule. C’était encore plus surprenant de la part de quelqu’un de déjà sensibilisé aux questions de l’orientation sexuelle, du transexualisme ou du transgenre (je m’excuse par avance de ces termes pour ceux qui connaissent bien ce champ) : on peut beaucoup réfléchir sur la transgression ou la subversion de certaines normes et conserver un point de vue validiste dans son appréciation du handicap, du désir et du plaisir partagé.

 

Car les normes sont très présentes en nous : elles nous indiquent ce qui se fait, ce qui ne se fait pas, mais aussi plus ou moins implicitement qui nous pouvons désirer ou pas. Et visiblement une personne avec un handicap n’entre pas dans le champ de ce que l’on s’autorise généralement à désirer (même si certains sont attirés sexuellement par le handicap physique, plutôt que par la personne qui en est porteuse). Les normes ne sont pas seulement des contraintes explicites venues de la société ou de sa famille. Le poids des normes sociales est très présent dans les jugements extérieurs sur la demande de sexualité, et la possibilité de faire apparaître au grand jour son désir ou son besoin de plaisir ; par exemple certaines familles refusent de voir leur enfant valide ou handicapé se mettre en couple avec une personne atteinte par le handicap. Mais ces normes externes ne sont pas les seules qui existent. Nous les reprenons aussi à notre compte. Nous nous empêchons d’agir ou de faire, nous nous laissons aller à une imitation d’autres pratiques, par exemple en jouant à l’homme en singeant les expressions stéréotypées du masculin alors que l’on pourrait s’apprécier soi-même sans cela, et surtout être apprécié par les autres indépendamment de cette façon de se conduire… Un exemple en est d’ailleurs fourni par les demandes masculines adressées à l’APPAS : celles-ci sont loin d’être toujours subtiles ou exemptes de préjugés sur ce que doit être le rôle masculin et le rôle féminin… Cela aussi fait partie du poids des normes : se masculiniser pour se rassurer quant à sa propre virilité, vouloir posséder une femme pour se croire dominant, etc. Mais les choses deviennent plus difficiles lorsque la réalité du contact de personne à personne vient s’imposer, ou que l’on s’aperçoit que son désir ou son identité est plus complexe que ce que l’on voulait afficher pour se rassurer soi-même… Il y a quantité de personnes dont l’identité sexuelle n’est pas aussi stable qu’elles le croient, ce qui rend d’autant plus ridicules leurs démonstrations machistes (ou d’autant plus nécessaires pour se rassurer…).

 

Ces remarques nous montrent la force des représentations « spontanées », en fait héritées de nos conceptions sociales. Ce que nous désirons, ce que nous aimons, ce en quoi nous croyons nous reconnaître est conditionné par notre éducation, la culture de masse des films et séries, la pornographie, nos premières expériences, nos identifications précoces à des personnes réelles ou à des personnages de fiction… Mais tout cela est aussi limitatif que de croire qu’une personne en situation de handicap doit avoir une sexualité « normale » (comprendre hétérosexuelle), ou rechercher des personnes « comme elles » pour faire l’amour. D’ailleurs, que signifie « comme elles » ? Ne peut-on pas davantage ressembler psychiquement à une personne qui par ailleurs vit en fauteuil qu’à quantité d’autres personnes jugées normales parce qu’elles n’ont pas de problème moteur ? Et si l’on se sent attiré psychiquement, si l’on a rencontré une « âme sœur », ne va-t-on pas prendre et désirer l’intégralité d’une personne, avec son corps, sa beauté, ses défauts et ses travers ? Comment composera-t-on avec la situation si cette « âme sœur » n’a ni l’âge ni le sexe ni le corps que l’on pourrait souhaiter ? Ne pourrait-on pas de même se sentir attiré sans toujours le reconnaître par quantité d’autres personnes, quel que soit leur sexe supposé, leurs orientations sexuelles déclarées, leur différence physique ou psychique apparente ou cachées ?

 

Il y a des attirances qui se développent avec part de fantasme, une part de désir affectif, sensuel, ou simplement de proximité physique ou psychique. Il peut y avoir de la curiosité, de l’intérêt, de l’estime, ou le seulement le désir de se rapprocher de l’autre. Il y a des attirances où tout cela se mêle sans qu’il soit possible de distinguer ce qui attire. Mais je conseille à tous d’assumer cette complexité, et d’assumer également en retour la possibilité que l’on puisse être attirant ou attirante. Il est faux de dire que les personnes dont le handicap est visible n’attirent pas en raison de l’obstacle que représente cette visibilité de leur corps. Elles n’attirent pas toujours pour de bonnes raisons, c’est vrai. Par exemple le désir transgressif d’avoir une sexualité avec un corps différent, s’il n’est pas partagé, peut être particulièrement malvenu. Mais celui de se « taper une fille » parce qu’elle correspond aux canons de beauté ou au canon de son désir personnel est-il, lui, bienvenu parce qu’il correspond à une vision stéréotypée, celle de l’emprise du mâle dominant hétérosexuel ?

 

Il convient d’assumer la nature de son désir, ainsi que la nature du désir que l’on suscite, ce qui n’est pas si facile non plus : « pourquoi moi ? » « pourquoi m’a-t-elle choisi ? » « pourquoi me considère-t-il comme désirable ? ». Là encore, n’imaginons pas que ces questions soient réservées aux personnes en situation de handicap. Il y a quantité de personnes valides qui se les posent (je me les suis d’ailleurs posées moi-même lors de mes premières relations amoureuses), et ce d’autant plus quand l’identité sexuelle n’est pas affirmée ou pas assumée (Est-ce que je préfère les filles ou les garçons ? Ai-je le droit d’aimer les deux ? Ai-je le droit d’être successivement hétérosexuel et homosexuel dans ma vie ?).

 

Il est difficile, c’est vrai, d’assumer ce que l’on ne se sent pas être (désirable, séduisant, agréable), surtout lorsque l’on a subi des déceptions amoureuses, parfois à répétition. J’ai connu des personnes devenues physiquement handicapées qui ne s’étaient jamais remises d’avoir été abandonnées par leur compagne ou compagnon après l’accident. Quinze ans, vingt ans plus tard, il restait palpable que leur difficulté à envisager une relation affective et sexuelle était liée à cette déception amoureuse originelle. Cela se comprend : si le handicap acquis a été la cause de la séparation, cela veut dire pour la personne qui le subit qu’être devenu handicapé, c’est être devenu impossible à vivre, comme si sa valeur s’était brisée avec l’accident, et que rien de soi n’y avait résisté. Mais il faut savoir que de nombreuses personnes valides réagissent elles aussi par la détestation de soi lorsqu’elles sont délaissées amoureusement.

 

C’est une manière de rappeler l’ensemble des dimensions psychologiques qui jouent dans la possibilité de se reconnaître comme séduisant et d’être séduit. Et l’accompagnement sexuel dans tout cela ? C’est précisément une manière d’assumer son corps et ses sensations, de se découvrir attirant ou attirante, cela peut amener à se reconnaître dans le regard d’autrui et à ne pas douter que celui-ci puisse faire preuve d’un intérêt authentique pour soi, même si l’on ne sait pas toujours très bien quelle est la nature de cette attirance. Il faut parfois s’y heurter, s’y brûler les ailes, mais la vie est à ce prix, elle comporte des risques sans lesquels rien d’inattendu, de beau ou d’enthousiasmant n’arrive.

EDITO D'AVRIL 2016

Par Akim BOUDAOUD - Sexologue & Vice-Président de l'APPAS

Mon désir, mon plaisir et mes envies au-delà de mon handicap

 

Pour aimer et être aimer faut-il être intelligent ?

Pour aimer et être aimer faut-il être fort, costaud et musclé ?

Pour aimer et être aimer faut-il être bien moulé ?

Pour aimer et être aimer faut-il être angélique ?

Pour aimer et être aimer faut-il être bien bâti ?

 

Non, moi je suis, ce que je suis

Mon intelligence a été évaluée, quantifiée, expertisée

Mon corps a été diagnostiqué, capacitisé, mesuré

 

Ma dépendance m'a privé, de ma vie privée

Mais, ma capacité d'aimer est toujours présente

 

Ma peur et mon cauchemar viennent de vos idées reçues, de votre raisonnement avec l’apriorisme

Ma peur et mon cauchemar viennent de votre déni qui quotidiennement renforce vos certitudes et vos convictions.

La capacité d'exprimer ses émotions est à la portée de tout un chacun,

Elle n'a pas à être étalonnée, quantifiée,

Elle n'a pas besoin d’être autorisée et programmée.

 

Non il n'y a pas de vérité, non il n'y a pas de norme

Par contre, il y a ma vérité, juste ma propre vérité

Elle est présente tous les jours avec moi,

Elle m'accompagne du réveil jusqu'au coucher

 

S'il-vous-plaît, arrêtez de me conseiller, sur mon intimité,

Arrêtez de m'imposer, ce que je dois faire ou ne pas faire

Arrêtez de programmer mes désirs et mes envies 

Je ne suis pas impotent, grabataire, infirme, handicapé  

 

Laissez-moi, expérimenter par moi-même

Avec mes propres émois, mes imperfections, mon tâtonnement et mes erreurs

Comme vous, je veux construire mon intérieur,

Je veux construire mon vrai espace privé, mon intimité et mon jardin d’Éden, mon Eldorado à moi

 

Je veux simplement me construire avec mes carences, mes absences et mes lacunes

Je veux connaître mon corps à travers le corps d'autrui

Je veux libérer mes émotions à travers les émotions d'autrui

Je veux, je veux, je veux....

 

Mon réel handicap, c'est vous qui pensez à ma place

Laissez mes pensées guider mes désirs

Laissez ma conscience explorer mes sensations de bien-être

Laissez mon univers à moi avec ses propres étoiles et stars

 

Oui je suis un univers plein d'étoiles

Ces étoiles qui illuminent mes rêves et mon intimité

Je veux juste un instant me nourrir du souffle de la vie

Me nourrir d'amour et d'eau fraîche

 

Vous l'avez compris mon handicap c'est les autres

Vous l'avez compris mon handicap ne touche pas mon ressenti

Oui je n'ai aucun handicap pour aimer et être aimé

Changez juste votre regard à mon égard

EDITO DE MARS 2016

Par Bruno PY - Conseiller juridique

Abolition ou prohibition ? Un courant contemporain semble sur le point de réussir à incriminer le recours à toute forme de prostitution. (Le texte sera débattu en troisième et dernière lecture le 10 mars 2016 au Sénat). Il repose sur la volonté de certains de supprimer, d’éradiquer, d’abolir la prostitution en punissant le client.  On notera que les partisans de cette pénalisation s’auto-intitulent « abolitionnistes », terme d’ordinaire réservé aux réformateurs en lutte pour abolir un mécanisme juridique ou une sanction pénale comme les combattant contre l’institution de l’esclavage ou les partisans de l’abrogation de la peine de mort. L’abolitionnisme a pour but de supprimer une loi. Or, les initiateurs des propositions de loi contemporaines visent à réprimer des faits. Il s’agit donc, littéralement, d’une démarche prohibitionniste. La nuance n’est pas mince.

 

Prostitution libre ou forcée ? Un des arguments les plus forts est d’affirmer que nul ne se prostitue par choix et qu’il y a donc lieu de créer une législation pour réprimer le client qui paie pour obtenir une prestation sexuelle d’une personne non-libre. Cette posture morale se vérifie probablement dans une grande majorité des cas. Mais l’argument juridique ne tient pas dès lors qu’on ouvre un Code pénal pour y constater que toutes les formes d’incitation à la prostitution sont d’ores et déjà prohibée sous la qualification de proxénétisme. La législation en vigueur permet de réprimer vigoureusement l’exploitation de la prostitution et surtout la traite des êtres humains en vue de les forcer à se prostituer. La loi du 5 août 2013 ayant déjà renforcé les peines applicables au fait de traite des êtes humains en vue de les astreindre à une soumission sexuelle payante ou non. La proposition de loi visant à pénaliser le client ne vise donc pas à lutter contre la prostitution forcée. L’objectif annoncé serait d’abolir toute forme de prostitution, consentie ou non, libre ou forcée.

 

La confusion entre désir et consentement. Le postulat fondamental des partisans de la prohibition de toute forme de prohibition est le suivant : « Parce que tout acte sexuel non désiré constitue une violence » (sic). Autrement dit, ce mouvement contemporain prétend affirmer qu’il ne doit plus y avoir à l’avenir de sexe sans désir. Ou, plus radicalement encore, que l’acte sexuel sans désir devrait être qualifié de violence, ce qui justifierait sa répression. Cette posture heurte le juriste qui ne confond pas consentement et mobile. Si le consentement libre et éclairé, manifestation de l’autonomie de la personne, est un critère juridique (Mariage, contrat, acte médical, sexualité etc.), le mobile ou cause subjective est, et doit rester, indifférent. Pourquoi untel consent-il à se marier, à contracter, à se faire opérer ou à lutiner ? Cela est indifférent dès lors qu’il exprime un réel consentement. La sexualité est toujours une question de consentement, lequel est parfois seulement motivé par le désir. Faire du désir un critère de licéité supposerait de créer une police du désir, des experts du désir et un jour… des juges du désir…

 

« Lorsque votre vie sexuelle est réussie, elle occupe 3 % de votre temps ; quand elle ne l’est pas, elle prend environ 97 % de vos préoccupations. »

Seamus HEANEY, poète irlandais, Prix Nobel de Littérature L‘Express 9 nov.1995, p.24.

EDITO DE FÉVRIER 2016

Par Brigitte LAHAIE - Marraine de l'APPAS

L’infantilisation des personnes handicapées

 

Lorsqu’on parle en toute liberté avec des personnes qui ont pour compagne ou compagnon quelqu’un qui a un handicap, quel qu’il soit d’ailleurs, même si, plus il est lourd plus c’est symptomatique, le « handicapé » est un peu considéré comme une troisième personne, voire même comme un enfant. Cette infantilisation indiquerait que pour la plupart des gens, une personne handicapée n’est pas tout à fait mature. Or, a priori, c’est le corps qui a subi une gêne mais l’esprit reste intègre, je dirais même que bien souvent la tête fonctionne mieux que chez bon nombre de gens. Car subir un handicap est certes une épreuve mais, suivant un adage très connu : ce qui ne nous détruit pas nous rend plus fort ! Pour preuve ce merveilleux témoignage de Damien…*

 

Prenons l’exemple d’une femme qui vit avec un homme non voyant. Cette dernière s’est confié à moi, je n’invente rien. Lorsqu’ils sont dans un magasin pour faire des courses, le commerçant ne s’adresse jamais à l’homme mais toujours à son épouse. Même si l’achat concerne le compagnon, le vendeur aura tendance à utiliser des phrases tout à fait impersonnelles, style :

« Et le monsieur qu’est-ce qu’il veut ! »

Quand ce ne sera carrément pas possible pour lui d’adresser la parole à cet homme certes non-voyant mais, ni sourd ni muet.

 

Ce qui prouve bien que pour la majeure partie des gens, une personne avec un handicap est bien handicapée à vie. Cette nuance est essentielle : d’ailleurs la majeure partie des gens disent un ou une handicapé(e). C’est bel et bien du racisme. On ne peut plus dire un noir ou un arabe mais parler d’un handicapé fait partie du langage courant. Pourtant, c’est tout autant interdit mais qui s’en soucie ?

 

Comment faire pour dépasser ce blocage ?

 

Sans doute faut-il déjà expliquer ce qu’est un handicap. Après tout, nous sommes tous avec des handicaps plus ou moins visibles. Celui qui a une phobie, cet autre qui est bipolaire ou encore ce grand timide incapable de parler sans bégayer. Sans parler de la vieillesse qui devient au fil du temps un handicap.

 

Seulement voilà, ces différents handicaps à première vue ne se voient pas. Alors peut-être que si la société intégrait vraiment les personnes handicapées, peu à peu les mentalités évolueraient. 

 

Ce qui demande sans doute encore beaucoup d’efforts politiques et financiers. Mais aussi un effort dans les médias et dans l’art. 

 

*Extrait de l’émission "Regard sur le handicap" en compagnie de Jean Luc LETELLIER, diffusée le 1er février 2015 aux alentours de 14h sur RMC.

EDITO DE JANVIER 2016

Par Marcel NUSS - Président-Fondateur de l'APPAS

L’APPAS a deux ans d’existence. Deux années que nous n’avons pas vu passer comme vous avez pu le constater, vous qui nous suivez fidèlement sur notre site et notre page Facebook. 

 

2015 aura été l’année de la concrétisation et de la consécration de notre engagement en faveur de la reconnaissance de l’accompagnement à la vie affective, intime, sensuelle et sexuelle des personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Ainsi, en mars, nous avons gagné un contentieux en référé qui a légitimé notre formation à l’accompagnement sexuel. Nous mettons régulièrement en relation des accompagnant(e)s sexuel(le)s et des personnes qui souhaitent bénéficier de ce type d’accompagnement. Et, en juin, l’association a été récompensée pour son engagement controversé par le prix « coup de cœur » de l’OCIRP. Symboliquement, ce trophée est d’une importance certaine. 

Pour autant, très pragmatiquement, où en sommes-nous ? 

 

Nous avons aujourd’hui environ quatre-vingts adhérents – près de deux fois moins qu’en 2014 (cent cinquante). Nous avons cent quatre-vingt-dix demandes d’accompagnement sexuel en attente, dont beaucoup ne pourront pas être honorées car ces personnes vivent dans des régions qui ne sont pas (encore) desservies par l’APPAS. Nous avons cent dix-huit postulants à la formation d’accompagnants sexuels – dont certains ne répondent évidemment pas nécessairement aux critères d’admission. À ce jour, nous avons formé vingt personnes, parmi lesquelles douze pratiquent plus ou moins régulièrement l’accompagnement sexuel. Nous espérons en former au moins autant en 2016 afin de pouvoir plus et mieux couvrir le territoire, offrant ainsi davantage de proximité.

 

De surcroît, nous avons accueilli un accompagnant et une accompagnante sexuels dans notre conseil d’administration pour qu’ils puissent participer aux débats internes et les enrichir par leur expérience et leurs compétences spécifiques.

 

Cependant, nous avons beaucoup d’autres projets qui restent en suspens par manque de moyens pour les mettre en œuvre. À l’instar de beaucoup d’associations, notre talon d’Achille, ce sont l’argent et les soutiens politiques, bien sûr, mais pas que…

En effet, comment ne pas être interpellé en constatant que nous avons perdu la moitié de nos adhérents en un an. Pourquoi ? Pourquoi alors que 2015 a été l’année de tant de concrétisations. L’année de la réponse à tant de demandes jusqu’à présent totalement ignorées en France par manque de courage et de détermination de la part d’associations qui se contentent de théoriser et de faire de la rhétorique pleine de bons sentiments ? Oui, pourquoi cette désaffection ? En raison de quel mécontentement ? Parce que ça ne va pas assez vite ? Parce qu’on est frustré de ne pas encore pouvoir « jouir » d’un accompagnement sexuel ?

 

En parallèle, nous avons plus du double de demandes d’accompagnement sexuel. Donc, une centaine au moins de personnes qui veulent être aidées mais ne voient pas l’intérêt de nous aider en retour. Même s’il n’est pas véritablement surprenant, ce constat est désolant et désespérant pour ceux et celles qui donnent de leur temps et de leur énergie, de leurs convictions et de leur courage militant en faveur de cette liberté fondamentale. D’autant que l’adhésion est de seulement 10 € par an pour tous les demandeurs qui n’ont que l’AAH pour vivre. 10 € pour défendre leur cause et leur liberté, obtenir une révision de la loi sur le proxénétisme et la reconnaissance de l’accompagnement sexuel, par conséquent, la possibilité d’espérer « profiter » d’un accompagnement sexuel partout en France. De même que l’adhésion est de 25 € pour les professionnels du médico-social, par exemple. 25 € pour être conseillé, informé, voire accompagné pour le travail éducatif…

Nous n’avons jamais souhaité conditionner l’adhésion, préférant faire confiance au bon sens, à la responsabilité, à la solidarité et à la citoyenneté des personnes qui font appel à nous. Et nous ne le ferons jamais. Toutefois, il faut que tout un chacun soit conscient de nos limites et de nos contraintes. Des limites et des contraintes qui indéniablement nous freinent et nous réfrènent dans nos avancées. Ce qui a forcément des répercussions au niveau des attentes.

Et puis, au-delà de nos contingences pécuniaires, comment pouvons-nous avoir un poids, une crédibilité et une lisibilité mobilisatrice autour de nos valeurs auprès des politiques avec quelque 80 adhérents ? Naïvement, je rêvais de quelques centaines, nous permettant a minima d’avoir une certaine autonomie financière et donc de mouvement, à défaut de pouvoir nous investir dans des projets ambitieux et d’avoir la capacité de faire un réel lobbying auprès des pouvoirs publics et des politiques.

 

Défendre et soutenir nos actions en faveur de la reconnaissance de l’accompagnement à la vie affective, intime, sensuelle et sexuelle, c’est d’abord défendre une certaine idée de la liberté, de nos libertés individuelles trop souvent bafouées par des moralisateurs dogmatiques, aveugles jusqu’à l’inhumanité parfois. En tant que personne en situation de dépendance vitale, je n’ai jamais considéré que tout m’est dû, que la solidarité va à sens unique et que j’ai tous les droits. Sauf à être un assisté. J’ai appris à assumer mes responsabilités et à me donner les moyens de réaliser mes attentes et de satisfaire mes besoins.

 

Quoi qu’il en soit, à l’aube de cette nouvelle année, j’émets avec force le vœu qu’il y ait une vraie prise de conscience et que nous soyons rejoints et soutenus par un raz-de-marée de personnes en phase avec nos valeurs et nos engagements pour avoir la possibilité de profiter des élections présidentielles qui se profilent à l’horizon 2017 afin que nos revendications soient écoutées attentivement et prises en compte par les futurs candidats à l’investiture suprême. Suis-je utopique ? Toute avancée repose sur des opportunités politiques. À nous d’en tirer profit avec et pour vous. 

Mais pour être entendus demain, nous devons tous nous engager aujourd’hui ! Merci de nous rejoindre et de nous apporter votre expérience et vos conditions.

 

En attendant, très bonne année 2016 de la part du Conseil d’administration de l’APPAS et de son président-fondateur.

EDITO DE DÉCEMBRE 2015

Par Laétitia REBORD - Secrétaire & Coordinatrice des référents locaux de l'APPAS

A Charly Valenza, militant parti trop tôt...

 

Cela fait longtemps que je plaide pour la reconnaissance de l'accompagnement sexuel et sensuel des personnes en situation de handicap et pourtant, j'ai sauté le pas il y a seulement 4 mois. Ayant immédiatement ressenti les bienfaits, j'ai décidé de partager mon expérience avec vous car il n'y a rien de plus parlant pour argumenter sur l'utilité et le bien-fondé de l'existence de notre association.

 

Pourquoi attendre si longtemps avant d'avoir recours à une pratique pour laquelle je me battais aux côtés d'autres personnes pour son développement en France ? C'est une question que l'on me posait très souvent.

 

J'avais tout simplement besoin de temps pour être au clair avec ce que je souhaitais vraiment et surtout pour acquérir suffisamment de maturité afin d'affronter le risque éventuel d'attachement lorsqu'une vie affective et sexuelle manque si cruellement. Je ne regrette pas de m'être laissé plusieurs années de réflexion car elles m'ont permises d'être pleinement ouverte et prête à l'expérience et de ne pas en tirer plus de souffrances que de bénéfices. Par ailleurs, ce n'est pas par ce que je voulais faire appel à un accompagnement sexuel que j'allais me résigner à solliciter le premier disponible. J’assumais mon besoin de trouver quelqu'un de relativement jeune et pour lequel j'avais une attirance physique, entre autres. Je tenais également à ce qu'il soit formé par notre association.

 

Tous ces critères réunis et mon esprit apaisé de toutes mes peurs insurmontables, j'ai contacté Christophe*, escort dans ma région depuis plusieurs années et qui a suivi l'une de nos formations à l'accompagnement sexuel. Après avoir échangé quelques mails, nous nous sommes rencontrés et avons discuté de vive voix pendant 2 heures pour apprendre un minimum à nous connaître, vérifier ce que j'appelle la compatibilité et échanger sur ce que je recherchais et ce qu'il pouvait me proposer. Nous sommes repartis de cet entretien, soulagé l'un comme l'autre, de voir que le courant était passé. Nous étions tous les deux novices en la matière car c'était ma première demande d'accompagnement sexuel et j'étais la première personne aussi dépendante physiquement à qui il allait proposer ses services d'accompagnant formé.

 

Nous avons convenu d'un rendez-vous un mois plus tard à mon domicile. Nous nous étions mis d'accord sur le déroulement de la séance. Je voulais d'abord découvrir mon corps plaisir par des massages sensuels, nue devant un homme, qui pour une fois n'était pas là pour mes soins. Ayant connu depuis tellement longtemps le toucher fonctionnel par des mains de professionnels, j'avais l'angoisse que mon corps, ou plutôt mon cerveau, ne fasse pas la différence avec un toucher plaisir, que n'ayant jamais appris à découvrir ses sensations, il reste endormi à toute sollicitation. Je fus bien soulagée de m'apercevoir immédiatement que j'avais cérébralement saisi la différence et que mon conscient s'était alors ouvert à la découverte de cette pulsion de vie. Christophe est reparti presque trop vite à mon goût mais revint deux mois plus tard. La première séance m’avait permis de définir ce que je voulais plus précisément. Je ne raconterai pas en détail le déroulement de la deuxième séance mais je peux parler du fait que j'avais exprimé le besoin de connaître le corps d'un homme par le toucher, le mien, avec mes propres mains, accompagnées dans leur mouvement, et l'envie de connaître le contact corps à corps. Grâce au professionnalisme de mon accompagnant et grâce à ma préparation préalable, j'ai réussi à m'attacher et à me détacher sans souffrir, ce dont j'avais le plus peur. La distance instaurée par le contrat financier est également un point de repère, même si je suis consciente que cela ne fait pas tout. Mon seul regret est de ne pas avoir provoqué le désir sexuel chez lui, même si je comprends tout à fait que cela est difficile à commander.

 

Aujourd'hui, je suis beaucoup plus épanouie, tout le monde me le dit. J'ai davantage confiance en moi et cela s'est immédiatement ressenti dans ma relation avec les inconnus. Le dialogue semble beaucoup plus facile car je crois avoir commencé à intégrer que je pouvais plaire, corps et âme réunis, même avec mon handicap. J'ai compris aussi que mon image ne provoquait pas le dégoût et que je pouvais être désirable. C'est exactement ce que je cherchais avec l'accompagnement sexuel. Ma vie affective ne pouvait évidemment pas être remplie avec deux séances mais j'ai plus avancée en quelques mois grâce à cette expérience qu'en une dizaine d'années à réfléchir dans mon coin et à attendre désespérément que mes blocages se désamorcent pour créer du lien social.

 

Je terminerai en vous disant que comme par hasard, j'ai fait une rencontre relativement peu de temps après avoir eu recours à l'accompagnement sexuel. J'ai beaucoup moins d'appréhension et j'accueille plus facilement l'inconnu pour avancer. Peu importe où cela me mènera, je sais que j'entame une nouvelle vie en termes d'expérience affective et sexuelle, avec comme tout le monde des hauts et des bas, des souffrances et des joies, des moments de doute et de bonheur. En bref, je vis à fond le risque et la beauté de l'existence en pleine conscience de ma corporéité, l'un des plus beaux cadeaux de Noël que l'on ait pu m'offrir.

 

Joyeuses fêtes de fin d'année à tous.

 

*Le prénom a été changé par respect de l'anonymat

EDITO DE NOVEMBRE 2015

Par Hélène LECOMTE - Vice-Présidente (Relations publiques et médias) de l'APPAS

Faisons un effort. Imaginons que nous ne sachions quelle serait notre condition d’homme, de femme. Par-delà la question de genre, imaginons un instant, que nous ne sachions pas – a priori – quelles seraient nos conditions de vie, de réalisation. Nous songeons alors – à titre de majorité écrasante – à la condition sociale qui serait la nôtre : professionnelle, amicale, familiale…

 

Songerions-nous vraiment, de manière immédiate, à questionner notre niveau d’autonomie physique ? Nous servir un café, marcher dans la rue, vaquer à nos occupations… jusqu’à courir. Nous presser, d’ores et déjà mentalement, vers ce rendez-vous, que nous aurions, avec un homme, une femme. 

 

Imaginons un instant que nos doutes, mâtinés de conformisme, nous desservent d’entrée de jeu. Car dans cet exercice mental, imaginons, nous – la majorité écrasante – que nous soyons enfermés dans cette désignation : personne en situation de handicap. 

 

Imaginons que l’appréhension immédiate de notre corps relève de la contingence décrite plus haut, médiée par un tiers. Un assistant qui nous aide à atteindre la fourchette, à laver, lever cet amas de chair, que nous savons être le nôtre, à mesure que nous l’éprouvons de façon sourde, pesante, dans sa plus pure matérialité. Pensons alors, mû par l’exercice qui est le nôtre, en cet instant, de ce qu’il adviendra des caresses, de la tendresse, du désir que nous voudrions ressentir et susciter encore, pour lécher de la manière la plus singulière qui soit, le genre, et la sexualité auxquels nous nous rapportons. 

 

Pierre Nazereau disait : « L’accompagnement sexuel n’est pas la solution, mais c’est une solution. » J’ai la conviction que cette solution est valable. L’accompagnement sensuel, sexuel, peut officier au même titre que ce rendez-vous, que nous avons tous attendu, espéré, au moins une fois. A la clé, pas une histoire d’amour, non. Simplement, et sans ambages, la potentialité de recouvrer un lien avec son propre corps, de modeler son intimité, par l’intermédiaire d’un autre. 

 

Pourvu que nous puissions apprécier notre corporéité à sa juste valeur. Pourvu que nous puissions nous éprouver autrement que dans la nécessité. Nous ne sommes ni parfaits, ni parfaites. Demeurerons irrémédiablement inquiets devant les canons de genre que nous nous laissons imposer. Mais pour cette vie qui nous est à vivre, un peu de douceur, pour surplomber tout ce que nous sommes, et tout ce qui nous entoure.

EDITO VIDÉO D'OCTOBRE 2015

Par Jill NUSS - Coordinatrice des accompagnants sexuels et Secrétaire adjointe de l'APPAS

EDITO DE SEPTEMBRE 2015

Par Pascal JACOB - Membre d'honneur de l'APPAS

Le bonheur n’est pas dans le pré parce que, trop souvent, le pré n’est pas accessible.

Alors où est le bonheur pour nous tous, dans la tête, dans l’esprit, dans le corps, ou mieux encore est-il dans notre liberté, dans notre affectivité, dans nos sens ?

Bien malin celui qui a une réponse toute faite, mais je crois que chacun d’entre nous  essaie de construire son bonheur un peu chaque jour et que ce bonheur va se nicher partout dans la tête, dans l’esprit, dans notre corps, dans notre liberté.

Notre sexualité peut être une source de bonheur, qui peut nous remplir complétement pendant un moment plus ou moins long, si l’amour en dessine le partage avec une autre personne.

Lorsque le destin limite les capacités de construire un bonheur, un partage, un amour, le manque de sensation de bonheur devient un véritable désarroi parce que la tête, l’esprit, le corps, la liberté, les sens réclament quelque chose d’inaccessible, et laissent un vide béant de manque de bonheur. Chacun  d’entre nous connaît ces moments  parfois bien pénibles, et si cela dure trop longtemps, c’est difficile de vivre tout simplement.

La loi du 11 février 2005 a été un pas en avant très important, parce qu’elle a permis de mettre tout le monde au même niveau : nous sommes tous des  citoyens, et grâce à l’accompagnement nous allons compenser tout ou partie de nos défaillances et de nos handicaps, et certes cette reconnaissance et cet accompagnement offrent de beaux moments du bonheur de vivre ensemble.

Dés l’adolescence, nous devons vivre nos frustrations et trouver notre équilibre de vie, et le manque de bonheur sexuel est un réel handicap qui entrave le bonheur que nous cherchons tous.

Bien sur, les médecins, les sachants, les savants, les scientifiques, les juristes, les politiques, et tous les autres, sont des humains avant tout, qui ont et vivent la même chose que tout le monde.  Comment pourrions-nous nous mettre autour d’une table avec notre expérience comme guide afin de trouver l’accompagnement possible du bonheur ?

Comment éviter de se laisser porter par la fatalité en ne voulant pas regarder les nombreuses souffrances que le manque de sexualité donne à nos enfants adultes et handicapés ?

N’ayez pas peur, c’est un grand et beau défi qui ne peut être ignoré aujourd’hui.

 

Bonne rentrée à tous nos adhérents et soutiens.

EDITO D'AOÛT 2015

Par José PAGERIE - Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

« Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen » Emmanuel KANT.

Au cœur de l’été, les corps dénudés s’abritent sous les parasols et, d’ombre en ombre, les regards s’affolent. Chacun, chacune, se cherche dans l’autre, les bronzages se copient, les fantasmes s’épient, les silhouettes courent, dansent, exultent et se juxtaposent. Au cœur de l’été les plages se noircissent de chairs brûlées, la moindre peau claire tout comme l’improbable corps tordu, déformé ou incomplet ferait tâche et incongruité dans cette morne étendue de la norme. Au cœur de l’été, les maillots habillent si peu la différence…

C’est au cœur de l’été que les corps et les désirs se rapprochent le plus mais c'est au cœur de l'été que certaines présences, certains corps jugés trop différents sont éloignés, rejetés, exclus même parfois.

L'été c'est la période des vacances ; vacance cet état de vide, de l'inoccupé et si nous le remplissions d'humanité ? Et si cette plage prenait d'autres couleurs que ce bronze sorti des tubes de crème solaire couvrant des solitudes austères pour se parer de toutes les couleurs de la singularité ? Pour cela, il suffit peut-être juste de relever les lunettes qui nous cachent le soleil du sourire des autres, d'écouter ces cigales humaines nous chanter l'amour et la tendresse qu'elles souhaitent tant partager. Et si, là, au beau milieu de l'été, nous y mettions notre cœur ?

Voilà à peu près neuf mois que j'ai rejoint l'APPAS, voilà neuf mois que j'accompagne de très loin et trop peu, le beau chemin déjà parcouru... Mais de mon Nord, du toit de l'hexagone j'observe tout ce que notre association a pu déjà faire bouger dans les regards et les mots. Mais, ce chemin qu'à ouvert mon ami Marcel NUSS avec tous ses fidèles compagnons est loin d'être terminé... La question simple et assourdissante des personnes en situation de handicap que rappelait Pascal DREYER dans son édito du mois de juin : « Faisons-nous partie, oui ou non, de l’humanité ? » reste entière. Je rédige cet édito avant de partir en congés, dans quelques heures le directeur que je suis va s'absenter de ce petit monde où l'altérité est la règle, où l'incongru est le bienvenue. Une femme et un homme se préparent, pour la première fois, à partir ensemble en vacances, tout est prévu, un grand lit les attend et un accompagnant venu de l'extérieur, un ami qu'il faudra découvrir, sera là, présent, tout proche pour tout ce que la déficience intellectuelle les empêche de réaliser seuls et bien assez loin pour ce que l'humanité et l'amour les invitent à vivre. Un homme va partir dimanche, pour 4 semaines ! Mais, promis, j'écris ici, sur ce cahier qu'il me tend, le mot vacances et sur mon agenda, peu après son retour, le mot PARIS pour l'accompagner jusqu'à cette dame de petite vertu et de grande humanité qui depuis maintenant 15 ans lui ouvre ses bras et sa tendresse.

Marcel, ton chemin est encore long mais c'est le seul possible, puisse-t-il un jour nous mener à une plage où je pourrais débuter ainsi un prochain édito.

Au cœur de l’été, les corps dénudés s’invitent sous les parasols et, de l'ombre à la lumière, les regards se cajolent. Chacun, chacune, trouvant l’autre, les couleurs singulières se multiplient, les fantasmes se charrient, les silhouettes courent, dansent, exultent et se métamorphosent.

Oui Marcel, avec toi et tous ceux qui font l'APPAS aujourd'hui et ceux qui le feront demain, invitons chacun des lecteurs pour cet été et tous les autres qui vont suivre, à faire le chemin de cette plage. J'invite chacun à rejoindre, maintenant que vous la connaissez, cette plage même pour y débattre comme le rappelait François VIALLA dans le précédent édito ; j'ajouterai juste en reprenant les 4 premiers vers de la chanson écrite par Jean Naty-Boyer :

Vous connaissez le chemin de la plage

Et pourquoi, et pourquoi n'y allez vous donc pas ?

Avez-vous peur que le vent de la mer

Vous propose un voyage que vous ne ferez pas ?

EDITO DE JUILLET 2015

Par François VIALLA - Conseiller juridique de l'APPAS

Homines dum docent discunt.

 

Qui enseigne s’instruit ! 

Cette sentence qui dérive des Epistulae ad Lucilium de Sénèque rappelle aussi la formule docere est discere (enseigner s’est apprendre).  

Voilà que mon ami Marcel s’inquiète … Vialla décline (Latin oblige).

Où veut-il en venir ?

Simplement à un  constat porteur d'espérances. A la lecture attentive des échanges pre per et post  formations entre les membres, plus ou moins actifs de l’APPAS (je le confesse … en un mot). ’’Apprenants’’ et formateurs sortent grandis, parfois bouleversés, des journées de partage. Tous apprennent, tous apportent, les ‘‘rapports’’ ne sont pas ceux de savant envers des  ignorants mais des ‘‘échanges’’.

Cela traduit parfaitement ce qu’évoquait Bruno PY dans un précédent éditorial, lorsqu’il rappelait le sens des termes « assistance » et « accompagnement ». La formation n’est pas une assistance, elle est un accompagnement, un chemin fait ensemble, dans une quête personnelle de connaissance et de découverte.

Il ne doit y avoir  ni dissymétrie ni asymétrie dans les rapports engagés, mais un cheminement plus convergeant que divergeant.

On ne doit donc pas être surpris que les formateurs sortent, eux aussi, grandis à l’occasion des journées organisées par l’APPAS et pour cela il nous faut remercier ceux qui ont le courage de franchir le pas et de forcer les idées reçues.

C’est aussi un message lancé à ceux qui pourraient légitimement être heurtés par l’APPAS. Qu’ils n’hésitent pas à débattre, à disputer, à controverser.

Rien ne saurait être pire que l’absence d’échanges car, pour se comprendre il faut s’entendre, pour s’entendre il faut s’écouter et pour s’écouter il faut se parler !  La Disputatio de quolibet (Ce qui te plaît : quod :  ce qui ,  libet :  te plaît ) et la controverse permettront à chacun de se faire une opinion, elle nous semble préférable à l’échange de quolibets et d’injures. 

 

Nous ne sommes pas pétris de certitudes, nous doutons, mais nous avons aussi des opinions et des convictions sur lesquelles nous sommes toujours prêts à débattre. Comme l'eut dit Pétrone Si nos coleos haberemus (là je laisse chacun libre de traduire) nous ne refuserions jamais un débat …in cauda venenum

EDITO DE JUIN 2015

Par Pascal DREYER - Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

Repensant à tout ce qui s’est passé ces derniers mois autour de la première formation d’accompagnants à la vie affective et sexuelle organisée en France par l’Appas, je me suis souvenu de la demande des personnes en situation de handicap présentes au colloque de Strasbourg en 2007. Ce colloque qui avait pour titre, rappelons-le, Dépendance physique, intimité et sexualité, est le point de départ de l’affirmation en France par Marcel Nuss de la nécessité d’une réflexion mais aussi de réponses claires et concrètes à la demande des personnes handicapées concernant leur accès à une vie affective et sexuelle digne de ce nom. Que disaient ces personnes ? Elles nous posaient une question simple : « Faisons-nous partie, oui ou non, de l’humanité ? » Il n’y avait pas là de grands principes à énoncer ou à proférer la main sur le cœur mais simplement à répondre par oui ou par non. La question m’avait bouleversé et fait prendre conscience que l’aventure qui prenait forme à ce moment-là était hasardeuse mais devait être tentée absolument.

Les réactions de ces derniers mois ont montré que la réponse à la question posée alors est loin d’être évidente. Bien sûr, les médias ont montré un accueil nouveau et positif à l’interpellation et à la mobilisation de l’Appas. Mais cet accueil n’exclut pas le voyeurisme et donc l’assignation à une place dégradée ou dégradante des personnes handicapées et des accompagnants. Les stéréotypes ont la vie dure et ils n’ont pas manqué de remonter à la surface parés d’habits nouveaux.

Bien sûr, le projet de l’Appas a fait surgir, et c’est bon signe, des réactions contrastées de la part des personnes handicapées elles-mêmes : l’existence d’un accompagnement dédié ne fait pas l’unanimité. Car pas plus que les valides, ces dernières n’ont une vision unique de ce que sont ou peuvent être une affectivité et une sexualité satisfaisantes et épanouissantes. Chacun est libre – même si cette liberté est largement contrainte par les normes sociales, ce qui est licite ou illicite, admis ou simplement toléré – de vivre les formes d’affectivité et de sexualité qui lui conviennent le mieux. Dans ce que j’ai entendu, l’accompagnement à la vie affective et sexuelle était encore trop souvent confondu avec la seule sexualité génitale et performante. Il me semble plus important de rappeler que la sexualité est diverse et que tous les êtres humains souhaitent d’abord vivre pleinement une relation charnelle selon leurs désirs et capacités avec un(e) autre. Faut-il encore rappeler que la satisfaction heureuse et respectueuse de cette relation charnelle que chacun attend peut emprunter de nombreuses voies.

Et puis bien sûr, j’éprouve le sentiment que lorsque l’on parle de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées – ce qui est un énorme progrès qu’il faut soutenir – on envisage rarement l’interaction de cette personne avec un autre. On en parle de manière abstraite, comme d’un avenir possible, plus tard, lorsque… les choses auront évoluées. N’avons-nous pas aujourd’hui des priorités plus urgentes ? L’évolution du climat, les pays en guerre, les souffrances des peuples déplacés ne mobilisent-ils pas les soucis de chacun ?! Ces arguments hypocrites dissimulent à peu de frais l’angle mort de la vision des valides qui rejoint la question de 2007 : si nous appartenons tous à la même humanité, alors l’enjeu de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées est bien un sujet d’actualité brûlant.

Au fond, il semble que le plus insupportable aux opposants de l’accompagnement à la vie affective et sexuelle des personnes handicapées, c’est qu’il crée les conditions réelles d’une communauté et d’une intimité entre des personnes que tout séparait depuis toujours dans nos sociétés. Communauté car, oui, les personnes en situation de handicap sont avant tout des personnes. Intimité car, oui, tout l’enjeu de la vie humaine, à chaque rencontre fondatrice qui passe par l’esprit et le corps, c’est d’ouvrir avec l’autre une intimité, créatrice de liens privilégiés, partageable avec seulement cette personne ; une intimité source de découverte de soi, d’ouverture au monde et aux autres, source de plus de vie. Aller au plus intime de soi et de l’autre dans l’établissement de relations affectives et sexuelles, c’est atteindre ce lieu du renversement et du coup de pied au fond de l’eau qui vous fait remonter vers la lumière et les autres avec une incroyable envie de vivre. Alors oui, l’accompagnement à la vie affective et sexuelle ne pose qu’une seule question, celle de notre appartenance à l’humanité commune. Mais avec l’Appas la question est posée aux différents niveaux de l’individu et du collectif. Et donc désormais aux politiques qui doivent apporter aux personnes la réponse qu’elles attendent. Oui ou non ?

EDITO DE MAI 2015

Par Pierre ANCET - Philosophe & Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

Commençons par rappeler que l'accompagnement sexuel ne peut être réduit à un acte prostitutionnel : que fait-on de l'accompagnement des couples en situation de handicap physique qui ne peuvent avoir de rapport sexuel sans une aide adaptée ? Que fait-on de l'accompagnement des personnes déficientes intellectuelles et psychiques, un accompagnement essentiellement éducatif ? Que fait-on des personnes qui n'ont pas le tempérament de certaines personnes très autonomes psychiquement, ayant conquis de l'assurance, de la confiance en leurs capacités de séduction.

L'inquiétude de plusieurs opposants semble porter sur ce que représenterait symboliquement, pour une société, un service d'accompagnement sexuel de type prostitutionnel qui ne serait destiné qu'aux personnes "handicapées".

 

Acceptons d'envisager ce service sous l'angle d'un acte prostitutionnel, ce qu'il est actuellement aux yeux de la loi, il faut rappeler que la prostitution et les services sexuels ne sont interdits à personne en France (seul le proxénétisme l'est). Parlons donc d'un service sexuel adapté qui tient compte des difficultés rencontrées par certaines personnes "handicapées" (et non par toutes, fort heureusement !), notamment celles qui n'ont pas accès à la masturbation, ou plus généralement qui n'ont pas accès à leur corps comme réservoir pulsionnel. Cela n'empêche pas les rencontres, amoureuses ou seulement sexuelles, mais doit à terme au contraire permettre de les favoriser.

En effet, l'objectif de l'accompagnement sexuel pour de telles personnes est de pouvoir s'en passer. C'est une des différences importantes avec une démarche de prostitution qui souvent vise à fidéliser un client. Il s'agit ici d'aider une personne à prendre confiance, à se renarcissiser, sans qu'il y ait confusion entre ce qui relève de la sexualité et ce qui relève des sentiments.

Il ne s'agit donc pas de proposer une prestation destinée aux personnes "handicapées" qui doive se substituer aux relations affectives et sexuelles dans la durée. Nous le comprenons comme un moyen d'amorcer un changement de regard sur soi et un changement de regard des autres sur soi, y compris dans le domaine de la séduction.

Ainsi la médiatisation actuelle de la cause de l'APPAS est-elle propre à amener chacun à s'interroger sur la place de la sexualité dans sa propre vie, sur sa conception des normes rapportées au corps et à la séduction, afin de permettre à terme un changement de regard social.

Il s'agit pour l'APPAS de répondre à une situation actuelle de souffrance ressentie par de nombreuses personnes. Alors même que les retours de ceux qui y ont eu recours sont actuellement unanimement positifs, pourquoi s'opposer à cette pratique, si tant est qu'elle respecte ceux auxquels elle s'adresse et n'amène pas à la confusion entre sensualité et sentiments ? C'est en ce sens qu'une formation est importante, de même qu'est important le respect de la charte de l'APPAS.

La prise en compte de la parole des personnes "handicapées" exprimant une souffrance dans le champ affectif et sexuel permet leur reconnaissance, et il est possible de penser humainement l’autonomie et l’inclusion, y compris sous l'angle de la sexualité,  sans pour cela occulter le lien entre sexualité et sentiments, ou entre sexualité et sensation corporelle en général. En effet, la sexualité dont nous parlons désigne l'ensemble du plaisir que l'on rencontre par le corps, y compris dans la séduction, le regard, la caresse, le simple contact peau à peau... Elle ne se limite pas et ne doit pas se limiter à la sexualité génitale avec laquelle on confond généralement la sexualité.

 

L'accompagnement sexuel, si approprié qu'il soit, ne remplacera certainement pas d'autres dimensions de l'existence, nous souscrivons donc tout à fait à la conclusion que la sexualité ne peut être entendue comme un besoin spécifique hors de l’idée d’un accès à l’éducation, à la prévention, à l’intimité et à la liberté. Les actions de sensibilisation et de formation auprès des professionnels du secteur médico-social seraient précisément un moyen d'envisager cet "accès à l'éducation, à la prévention, à l'intimité et à la liberté" en milieu institutionnel. Elles doivent permettre à certaines personnes de découvrir leur corps comme désirant et désirable ; à d'autres de vivre leur lien amoureux et leur sexualité dans l'intimité la meilleure possible. L'importance de la sexualité ne doit pas être surévaluée sur le plan médical (on ne peut par exemple imposer à personne une prestation sexuelle, sous prétexte d'aide à la santé sexuelle), mais la sexualité des personnes "handicapées" ne doit pas être niée, elle possède le même rôle central que chez toute personne. Enfin, la sexualité reste de l'ordre du désir et ne saurait être réduite à un simple besoin, elle s'intègre dans l'ensemble d'une existence.

EDITO D'AVRIL 2015

Par Michael SABATIÉ - Trésorier de l'APPAS

Le printemps arrive avec son florilège de changements climatiques, de bourgeonnement des feuilles et des fleurs, d’éclosion des papillons mais c’est aussi le temps des Assemblées Générales et des bilans dont notre association n’échappe pas à la règle.

Après une année 2014 en demi-teinte qui a surtout permis à l’APPAS de mieux se structurer, de s’affiner et de peaufiner ses actions, son véritable envol a eu lieu à partir du mois de mars 2015 avec la 1ère formation des accompagnants sexuels qui s’est déroulée à Erstein, en Alsace.

 

Un incident indépendant de notre volonté, nous a permis d’avoir une exposition médiatique inespérée dans laquelle notre cher Président, qui n’en demandait pas tant, s’est immédiatement engouffré et qui a eu pour conséquence de vraiment nous faire connaître au niveau national.

Je vous laisserai le soin de consulter tout le dossier « Presse » de ce site pour revivre les moments forts et épiques de ces dernières semaines.

Cela s’est traduit par une très forte augmentation du nombre de nos adhérents. L’attente est là et il s’agit pour nous maintenant de ne pas décevoir nos membres. Je me souviens d’un temps lointain, lors de mon service militaire, où l’on disait : « pas de moyens, pas de missions ». Cela vaut aussi pour notre association.

Les subventions publiques se sont considérablement réduites ces dernières années, en même temps le nombre d’association a augmenté. Nous sommes donc de plus en plus nombreux à nous partager un gâteau de plus en plus petit. Par conséquent, nous n’avons pas d’autre choix que de nous tourner vers d’autres solutions de financements comme le mécénat ou le sponsoring. Toute idée ou tout contact serait le bienvenu.

Je tiens ici à remercier Mr François Brottes, Député de l’Isère qui nous a accordé une subvention sur sa réserve parlementaire.

Notre Assemblée Générale à laquelle sont conviés tous nos adhérents se tiendra à Strasbourg le 11 avril. Le trésorier que je suis rappellera néanmoins que les personnes présentes doivent être à jour de leur cotisation.

EDITO DE MARS 2015

Par Brigitte LAHAIE - Marraine de l'APPAS

Franchement, en tant que personne valide, je n’étais pas fan pour côtoyer des personnes à mobilité réduite. Sportive mais aussi hyper dynamique, pour moi, la liberté passait forcément par le corps.

Puis, comme de nombreux cavaliers, j’ai été confrontée aux chutes douloureuses et aux séjours à l’hôpital. Durant ces périodes plus ou moins longues (suite à une jambe cassée, j’ai tout de même connu cinq mois d’immobilisation forcée), je me suis rendue compte que mon état d’esprit, malgré le handicap physique, restait toujours dynamique.

Sauf que, au lieu de galoper dans les champs, je galopais dans ma tête et ces périodes ont été très fructueuses en changement de cap dans mon existence. En quelque sorte, l’énergie qui ne circule pas par le corps circule dans notre tête. Je l’avais expérimenté grâce à la méditation mais c’est autre chose, la transformation intérieure est différente.

J’ai parfois des auditeurs qui connaissent le handicap et je suis ravie de les entendre s’exprimer car ils ont souvent une capacité d’élaboration psychique supérieure à la moyenne. Ainsi, comme le dit si bien Nietzche, «ce qui ne te détruit pas te rend plus fort ».

Les personnes en situation de handicap sont des êtres peut-être plus riches que les autres sur le plan humain, quand ils ont su dépasser leur épreuve.

Néanmoins, nous, personnes valides, nous sommes souvent gênées face à eux.

Cette gêne est normale car, nous sommes face à quelqu’un de différent et nous n’avons pas appris à gérer cette situation. Faire comme si nous n’avions pas remarqué, devenir un peu trop prévenant, faire preuve de pitié ou voire même ressentir une peur ou une angoisse diffuse ? Chacun fait comme il peut mais notre réaction est souvent un peu gauche et à n’en pas douter, celui qui est en face de nous doit s’en rendre compte.

 

Pourtant, ce qui fait la richesse des échanges humains, c’est plutôt la communication verbale. Qu’importe que notre interlocuteur soit laid, dans un fauteuil roulant, vieux ou malvoyant !

Les personnes en situation de handicap ont souvent bien plus à nous apprendre que la dernière vedette de téléréalité aux seins refaits ou ce joueur de foot devenu star en quelques mois.

Elles ont un vécu et elles sont aussi généralement plus dans la capacité d’échanger puisqu’elles ont appris à se connaître bien mieux que la plupart des gens.

 

Alors, la prochaine fois que vous aurez l’occasion de croiser une personne en situation de handicap, ne soyez pas gêné d’être gêné. Si vous croisez son regard, souriez comme on sourit à une belle âme. Il y a de fortes chances que vous ayez en récompense un sourire illuminé et si ce n’était pas le cas, alors vous aurez le droit d’avoir un peu de compassion pour cette personne qui n’a pas encore réussi à intégrer son handicap, sans doute encore trop récent…

EDITO DE FÉVRIER 2015

Par Pierre ANCET - Philosophe & Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

Qui serais-je aujourd’hui si je n’avais jamais été touché sensuellement ?  Et qui serais-je si je n’avais jamais été en capacité de me toucher moi-même ? Je me serais senti sous le registre du manque. Etre en situation de handicap n’est pas seulement lié au défaut de motricité, mais aussi du défaut de contact affectif et érotisé. C’est tout différent d’être enlacé par des bras qui vous aiment, vous réchauffent, vous caressent et d’être mobilisé par un professionnel, qu’il soit kiné, infirmier ou accompagnant. La différence repose non pas sur la qualité du soin et du prendre soin, mais sur la différence qualitative introduite par la sensualité et l’érotisation, qui est l’une des voies vers la réappropriation de son corps et la confiance en ses capacités.

Serais-je toujours puceau, honteux, et soumis à une image d'éternel enfant, gentil et peu viril ? Il semblerait en effet, selon une représentation bien-pensante, qu’en situation de dépendance physique, l’affection puisse suffire. Que peut-on souhaiter de plus à un « gentil handicapé » ? (comme si d’ailleurs la gentillesse devait être confondue avec la mièvrerie des sentiments, et le défaut d’intelligence). Ils sont gentils, se prennent par la main, c’est suffisant pour eux… Nous n’avons pas à nous préoccuper de désirs plus coupables, qui pourraient nous amener à évoquer la sexualité, la génitalité, la contraception et toute sorte d’autres questions dérangeantes, notamment en institution, ou les relations doivent être claires et propres, hygiéniques et aseptisées, comme les objets, les couloirs et les résidents.

Nous sommes très loin des représentations associées aux corps désirables dans le monde courant : toutes les femmes sont-elles à la recherche d’un « gentil mari », une sorte de mâle émasculé, discret et en retrait ? En restant dans un registre légèrement caricatural (mais ô combien révélateur), les hommes que désirent  les femmes sont-ils des hommes qui ont du caractère, qui s’opposent, sur l’épaule desquels on se repose, ou de « gentils » mâles, bien propres sur eux ? Pourquoi faudrait-il que les choses soient différentes lorsque l’homme en question est en situation de handicap ? Je ne prends ici que l’exemple de la masculinité hétérosexuelle pour en rester à ce que je connais plus personnellement, mais il est évident que l’on pourrait associer à la féminité d’autres stéréotypes sociaux qui, ici encore, ne s’appliqueraient pas aux corps avec un handicap, et trouver ainsi d’autres formes de masculinité homosexuelles ou hétérosexuelles qui ne verseraient ni dans un stéréotype ni dans un autre (ni l’être émasculé ni le mâle débordant de virilité)

Il m’apparaît donc essentiel d’être reconnu comme potentiellement désirable, de pouvoir toucher l’autre par sa personnalité et de pouvoir être touché en retour. Etre touché par un caractère, par une âme, être touché par un autre corps, dans un contact peau à peau. Il y a de mon point de vue un lien fort entre ce que l’on ressent pour l’autre et ce que l’on éprouve dans son corps.

Cette importance du lien entre affectivité et sexualité ne nuit nullement à la possibilité d’expériences d’accompagnement sexuel permettant de prendre confiance en soi et de se sentir se réapproprier son corps. D’ailleurs mes premières expériences en matière de sexualité ne se sont pas faites avec quelqu’un mais avec mon propre corps, par l’auto-érotisme. Je n’ai pas attendu d’être amoureux d’une personne pour oser parler de sexualité et essayer de sentir les zones érogènes de mon propre corps. Sans tomber dans la confusion entre sexualité et pornographie, mais en utilisant comme beaucoup d’adolescents des images suggestives pour nourrir mes fantasmes.

La mobilité de mon corps m’a permis l’auto-érotisme. Mais ce n’était pas mon corps seul qui me donnait du plaisir : mon narcissisme étant loin d’être suffisant pour ressentir du désir envers moi-même, j’ai donc eu recours aux fantasmes. J’ai imaginé que l’on me jugeait désirable, j’ai imaginé d’autres corps en contact avec le mien. Et j’y ai toujours recours aujourd’hui (je confesse bien volontiers ces « pensées coupables »). N’en déplaise aux confessionnaux des siècles passés, tout cela est très courant : que fait un homme valide quand il n’a rien à faire et qu’il se retrouve seul dans un lieu abrité du regard ? L’un des meilleurs moyens de passer le temps agréablement est de se donner du plaisir à lui-même en faisant travailler ses fantasmes (personnellement il m’arrive aussi de méditer ou de penser dans la solitude, ce qui peut être assez jouissif également, mais différemment). Nous ne sommes plus ici dans l’exigence haute en matière de sexualité où se développerait un plein accord avec le corps et l’esprit d’autrui, mais dans une expérience courante, faite depuis l’adolescence par un individu valide, mais interdite à quelqu’un qui ne peut se toucher lui-même ou ne ressent pas son corps comme réservoir pulsionnel.

Bien sûr il y a une différence forte entre le fantasme soutenu par l’auto-érotisme et la réalité d’un contact avec un autre corps : dans le fantasme, « l’autre » (son image, en fait) est un objet pour son propre désir. Dans la réalité du contact, on reste à l’écoute d’un autre corps, on éprouve quelque chose qui dépasse l’ordinaire, mais qui s’insinue dans le réel. Cela n’empêche pas, même dans le véritable contact, de projeter un grand nombre d’affects sur l’autre (plus corps que personne ici), de prendre ses propres désirs pour des réalités, mais il s’agit d’une expérience différente, où l’on commence à faire entrer dans le réel ce qui n’était qu’un tissu d’illusions, d’imaginations, de désirs, d’appréhensions parfois.

 

L’un des meilleurs moyens de dépasser ses angoisses et son auto-dévalorisation n’est-il pas d’essayer de s’y affronter ? Si on l’accorde en général, pourquoi ne pas l’accorder sur le plan de la sexualité ?  Ce dépassement se prépare, on n’y est pas toujours prêt quand on pense l’être. Et c’est précisément l’une des spécificités de  l’accompagnement : pourquoi passer directement à l’acte sexuel si l’on s’aperçoit sur le moment que ce n’est pas (ou pas seulement) à cela que l’on est prêt ? C’est une manière de grandir, de dépasser l’adolescence, d’entrer dans une autre dimension du contact et de la charnalité. Pourquoi devrait-on sauter par-dessus ces étapes (devenir d’un coup adulte autonome) ou ne jamais les connaître (rester un enfant sans sexualité) quand on est en situation de handicap physique ? Ce serait le meilleur moyen pour surestimer l’acte, et de rester durablement coincé dans son corps et dans ses propres fantasmes. Car on peut aussi s’enfermer soi-même dans la méconnaissance et l’idéalisation de ce que l’on n’ose essayer de connaître. Les prisons les plus redoutables sont aussi celles dont on ne voit pas les murs.

EDITO DE MAI 2015

Par Vanessa LUCIANO - Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

2015 … Une année qui commence dans la lumière pour moi puisque Marcel Nuss me fait l’immense honneur d’écrire le tout premier édito de cette nouvelle année sur le site de l’APPAS. .. Alors que je viens à peine d’intégrer l’équipe du Conseil d’administration.

 

Il est de tradition de « présenter les vœux » pour la nouvelle année. Je suis loin d’être « traditionnelle » mais pour vous, je vais faire une exception.

 

2015 sera pour l’APPAS, et j’en suis convaincue, une année décisive annonciatrice de grands changements : est organisé pour la première fois en France une formation d’accompagnants sexuels pour les personnes en situation de handicap. C’est au mois de mars et du côté de Strasbourg. Vous trouverez plus d’informations sur le site.

 

Mes vœux pour tous et toutes :

Que vous souhaiter de mieux que, dans votre vie, la santé (pour vous et vos proches) ; dans vos affaires, la prospérité et beaucoup, beaucoup d’amour tout au long de cette année ?

 

Peu importe ce que les gens pensent de vous. Ne vous forcez jamais à être la personne que vous n’êtes pas. Soyez vous-même car c’est ce qui vous rend unique.

 

Je souhaite que l’APPAS et tous ses membres actifs vous apportent ce dont vous rêvez depuis peut-être de trop nombreuses années : vous qui souffrez d’isolement, de misère affective et sexuelle, puissions-nous vous permettre d’accéder enfin à l’expérience de l’exploration et de la découverte de votre corps.

 

Aussi, que cette année associative soit pleine de joies, de rencontres et d’échanges. Depuis 8 ans que je côtoie la misère affective et sexuelle sur le net par le biais du site de Brigitte Lahaie, je connais cette douleur. J’ai pu aider quelques-uns d’entre vous mais si peu en fait.

 

Mes vœux pour moi :

D’aider encore un plus grand nombre de personnes en situation de handicap. Je suis à votre écoute, nous sommes tous à votre écoute. N’hésitez pas à nous contacter, d’autant que l’APPAS a,  à présent,  des référents un peu partout en France.

 

Je terminerai par cette citation de Bouddha que j’affectionne particulièrement :

« Le plaisir se ramasse, la joie se cueille, et le bonheur se cultive »

 

Que l’APPAS vous aide, pour cette année 2015, à ramasser, à cueillir et à cultiver…

 

 

Soyez heureux.

EDITO N°2 DE DÉCEMBRE 2014

Par Gwendie BONNENFANT - Assistante Administration Gestion au sein de l'APPAS

Quels mots seront du meilleur usage pour exprimer ce qui se dit difficilement, parfois pas du tout, parfois maladroitement. La même difficulté que rencontrent parfois le personnel professionnel accompagnant et les personnes accompagnées quand il s'agit du rapport à l'affectif, à l'intimité, à la sexualité. Souvent une sensation d'indicible face au vide qui se creuse autour du cœur et du corps.

On s'entoure alors de théories, de stratagèmes, de dispositifs, pour réparer, pallier, supporter, créer de la distance professionnelle. Quand pourrons-nous agir et être tête, corps et cœur liés. J'ai rencontré, lors d'une formation interculturelle, des éducateurs de rue mexicains. Leur pratique s'articule autour de ces notions. La tête qui nous sert à réfléchir doit nous permettre de recevoir l'information, de l'analyser, de concevoir des réponses adaptées. Le corps est présent, évoluant dans l'espace, touchant, exprimant. Le cœur tambourine sans cesse, le ressenti prend part à nos relations à l'autre, le sentiment nous guide aussi. Il s'agit alors de reconnaître ce que nous sommes et de questionner ces trois fondements sans cesse.

L'APPAS reconnaît et met en lumière les Hommes dans leur intégrité. Lorsque l'on frappe à une porte avant d'entrer, que l'on transmet son humeur matinale à la personne que l'on accompagne, qu'on le touche avec pudeur, on est Soi avec l'Autre. Il s'agit de respect et de reconnaissance mutuelles. Les conditions d'un dialogue vrai, les bases d'une relation de confiance. Trop souvent les relations sont minutées, trop souvent les questionnements refoulés. Où en sommes-nous d'ailleurs, chacun d'entre nous, avec notre propre intimité, sexualité ?

Il s'agit d'oser avoir des désirs, puis d'oser les exprimer. Nous en sommes là...

A-t-on le droit d'avoir envie de se masturber, d'acheter un DVD pornographique, de faire l'amour, de dormir avec quelqu'un ?... Sans conteste, oui. Mais alors comment oser dire, oser être sans concessions lorsque la dépendance est là ? Le désir fait partie de nous. J'ai rencontré beaucoup de gens à qui il manquait un bout d'eux-mêmes.

Dans le contexte de la vie en institution, on parle parfois « d’isomorphisme institutionnel », presqu’un gros mot ! Vivre ou travailler en collectivité amène parfois l'individu à adopter des comportements « adéquats », « adaptés », relatifs au fonctionnement d'une structure. Il en va de même par ailleurs pour la vie en société de façon plus globale.

L'APPAS propose des formations à destinations des professionnels accompagnants mais aussi des personnes désireuses de devenir accompagnantes sexuelles. Par ces actions, elle propose un vrai projet de transformation sociale, d'évolutions dans les pratiques institutionnelles, qui, je le pense, pourrait amener la société dans son ensemble à porter un regard nouveau sur la différence.

« Si le désir embellit toutes les choses sur lesquelles il se pose, le désir de l'inconnu embellit l'univers », écrit Anatole France dans Le livre de mon ami ; 1885

Désirons l'inconnu, n'ayons plus peur...

 

Bonnes fêtes de fin d'année à vous.

EDITO DU 7 DÉCEMBRE 2014

Par Akim BOUDAOUD - Sexologue & Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

 

Comment voulez-vous que les mots "personne" et "respect" prennent leur sens ?

 

Je voudrais comprendre pourquoi la "différence" fait peur ? Pourquoi la "déficience" génère de la frayeur ? Surtout, lorsque ces deux aspects sont visibles.

Pourquoi "l'inconnu" engendre la méfiance, le rejet et l'indifférence ? Sommes-nous devenus moins sensibles, moins tolérants, moins indulgents, moins bienveillants ?

 

Cinq millions de personnes sont touchées par la solitude (enquête fondation de France 7 juillet 2014, le Monde).

Cette étude révèle que quatre Français sur dix n'ont pas de contact avec leur famille, qu'un Français sur quatre n'a pas de relations amicales soutenues et près de quatre sur dix n'ont pas ou peu de contacts avec leurs voisins.

 

Voici quelques témoignages de certaines personnes sur des forums internet, cet espace où elles peuvent exprimer leur "sous-France", leur colère et leur détresse:

1- "J'ai un handicap léger mais visible, ça fait fuir certains hommes (beaucoup en fait) mais pas tous..."

2- "Il y a peu, je me suis inscrite sur un site de rencontres et j'ai eu beaucoup de réponses jusqu'à ce que les gens sachent que je suis handicapée."

3- "Lorsque l'on a un handicap, on est invité nulle part et sommes victimes de moqueries parfois même dans le milieu professionnel et de la part de gens ayant un rang hiérarchique très élevé. Aujourd'hui je me suis habituée à une vie seule."

4- "J'ai dû mal à accepter ce nouveau physique et la perte d'autonomie. Je n'ai jamais eu de petite amie, encore moins de plaisir et à 27 ans, je désespère..."

 

Que dire ? Quoi penser ? Pour ma part, j'ai envie simplement de comprendre notre société d'aujourd'hui, une société à l'heure de la consommation à outrance, à l'heure de la course vers la satisfaction d'un besoin imaginaire.

Il suffit de regarder autour de soi pour réaliser et comprendre que, plus la machine économique pousse, voire conditionne la personne à satisfaire ses désirs, ses envies par la consommation, plus celui-ci demeure insatisfait.

La personne a l'illusion d'avoir accès au plaisir, l'illusion d'une satisfaction et d'un bien-être, la vérité est que cette illusion du plaisir/satisfaction est conditionnée par la publicité de l'idéal et l'imaginaire.

 

N'y a t-il pas là un signe dans cette insatisfaction, un indicateur et une alerte pour se poser un instant et s'interroger réellement sur ces trois points qui nous taraudent en permanence ?

a- La notion de respect

b- La personne

c- Les notions de satisfaction/insatisfaction

 

Effectivement, notre mental est formaté par les médias et par notre environnement pour ne retenir que les modèles standardisés par le flux des pubs des revues, de la télé, d'internet...etc.

 

Cela nous conditionne à consommer des modèles standardisés avec une croyance ou encore une espérance du bien-être, et de la satisfaction qui, au final, nous rend dépendant de ces mêmes produits et modèles. L’être humain en oublie l’essentiel : l'absolu et l'indispensable pour vivre et exister. Il s'agit, vous l'avez compris, de ce qui fait le lien.

Le besoin d'établir des liens avec l'autre, le besoin de nouer des contacts et de se connecter réellement avec ses semblables, nourrissent, sans que l'être humain le sache depuis des millions d'années, son bien-être et sa bonne santé.

 

Si tout simplement nous prenions conscience de ces petits moments qui font interaction avec l'autre, interaction par le regard, le sourire, la parole, le toucher ..., cela réduirait probablement l'indifférence, le mépris, le rejet et l'intolérance.

Si, dans la notion du respect, nous arrivions à injecter un peu de "considération" et un peu de "reconnaissance" peut-être que cela atténuerait encore un peu plus l'indifférence et permettrait à la bienveillance de voir le jour.

Ce besoin de lien crée de la résonnance, nourrit la convivialité et renforce la communication, notamment la communication par les émotions.

Les neurosciences nous confirment aujourd'hui que les émotions positives sont bénéfiques pour le bien-être et la santé.

Exprimer ses émotions améliore et renforce le système immunitaire, protège contre certaines pathologies et agit comme mécanisme de prévention.

Rien que pour cela, cultivons jour après jour le lien avec autrui, multiplions les contacts pour renforcer mutuellement nos santés, cela serait encore mieux si "autrui" était différent.

Peut-être que se déconnecter des images pré-formatées et se connecter avec son semblable donneraient réellement un sens à la notion de respect et de personne.

EDITO N°2 DE DÉCEMBRE 2014

Par Véronique WILHELM - Membre du Conseil d'Administration de l'APPAS

Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de la confiance sexuelle et du massage. Se sentir tranquille, libre de son désir et de ses pulsions, en accord avec son corps. Pour cela, il faut avoir une liberté intérieure et un regard positif posé sur soi.

La confiance sexuelle se traduit par le fait d’oser rencontrer l’autre, d’oser entrer en contact intime sans peur. Pour cela, il faut avoir suffisamment confiance en soi mais aussi se sentir en confiance avec son partenaire.

 

Avoir confiance en soi, cela veut dire, en matière de sexualité, avoir confiance dans son corps, dans l’image qu’il renvoie, dans sa capacité à donner et à recevoir du plaisir. Nul besoin d’avoir un corps parfait pour s’aimer, mais ne pas aimer son corps peut créer au fil du temps un conflit interne, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur le désir et le plaisir. Un obstacle difficile pour bon nombre de personnes et peut-être plus difficile encore pour les personnes en situation de handicap. Il y a trois choses essentielles : une bonne estime de soi, se sentir désirable et être aimé.

Notre corps enregistre toutes les expériences et il existe une réelle mémoire corporelle. « L’éprouvé du corps » commence avec notre vie sur terre, dans le ventre même de notre mère. Comme un ordinateur qui enregistre toutes les données, notre corps enregistre toutes nos expériences corporelles. Si notre corps emmagasine de bonnes expériences, nous aurons une bonne estime de nous et notre confiance sexuelle sera renforcée.

Les rencontres amoureuses que nous faisons peuvent aussi être déterminantes en matière d’estime de soi. Un partenaire peut vous porter vers le haut et un autre peut vous faire descendre au plus bas. Il suffit parfois d’un mot, d’un regard pour se sentir dévalorisé. Un « bon partenaire » est une personne qui ne nous met pas en danger, qui est à l’écoute, présent et disponible.

Une sexualité heureuse peut nous transformer et avoir des répercussions dans tous les domaines de notre vie. Moins de stress, plus d’énergie, plus de joie de vivre, augmentation de la créativité et de l’imagination, nouvelle orientation professionnelle, nouveaux projets…..

Toutefois, il est très facile d’en parler, de faire de belles théories sur l’estime et la confiance en soi, avoir un « bon partenaire » qui vous valorise et pourtant ne pas être réconcilié avec son corps.

Aujourd’hui, il existe de multiples techniques de bien-être, elles donnent toutes de bons résultats. Pour ma part, je trouve que le massage est un bon moyen d’apprivoiser le corps, il favorise les bonnes sensations, il permet d’évacuer les mémoires négatives du corps et redonne confiance en soi.

Il permet aussi de développer un terrain propice pour une sexualité pleinement épanouie et apparait comme un premier pas vers la sexualité. Toucher l’autre, c’est communiquer. Etre à l’écoute du corps de l’autre, être attentif au rythme qui lui convient, adapter la force de la pression des doigts….

En matière d’accompagnement sexuel, la pratique et la maitrise du massage peut-être un outil essentiel car il permet d’éveiller la sensualité, de stimuler les sens, de se réconcilier avec son corps et d’érotiser la vie sexuelle.

C’est pour toutes ces raisons que lors de la formation à l’accompagnement sexuel des personnes en situation de handicap qui se déroulera en mars 2015, nous aborderons le massage, le touché et le rapport au corps.

EDITO DE NOVEMBRE 2014

Par Bruno PY - Conseiller juridique de l'APPAS

 

“Le mieux que nous ayons à faire c'est de rêver d'un monde meilleur.

Le malheur de l'homme, c'est d'avoir trop souvent rêvé d'un monde parfait.”

Franz Bartlelt, Petit éloge de la vie de tous les jours (2009)

 

La sexualité est-elle un besoin ; l’orgasme est-il indispensable pour vivre ? Heureusement que non ! L’Histoire et la Science montrent que l’être humain peut se passer de toute sexualité, par contrainte ou par choix, sans que cela n’affecte son espérance de vie. Le constat est aisé, physiologiquement, la sexualité n’est pas un besoin. La réponse est différente, lorsqu’on se place sur le plan psychologique et relationnel. Si l’on admet que l’Homme est un animal social, alors il faut s’interroger sur l’impact de la privation de toute sexualité sur l’ensemble des relations avec les autres. « Je suis les liens que je tisse avec les autres. » (Albert JacquardPetite philosophie à l'usage des non philosophes, 1997). Or, le ressort qui pousse vers les autres porte un nom : le désir. Désir d’être, d’exister, d’aimer. Lorsque ce désir est sexuel, il s’agit de libido. Exprimée ou pas, la libido existe en chacun. Elle peut être réprimée, frustrée ou sublimée, mais elle existe. C’est alors qu’interviennent les deux grands fondements de l’équilibre que sont la liberté et l’autonomie. Les personnes en situation de handicap, sont privées de liberté, par défaut d’autonomie. C’est pourquoi la loi tente de compenser cette perte d’autonomie pour permettre une certaine liberté. Faut-il aller jusqu’à prendre en compte la libido des personnes en situation de handicap ? Nous pensons que oui. C’est pourquoi nous militons à l’APPAS.

 

Encore faut-il distinguer l’assistance sexuelle et l’accompagnement sexuel. L’assistance évoque l’action d’aider celui qui est incapable. L’assistance suppose une relation asymétrique entre un aidant-autonome et un aidé-dépendant. L’inconvénient majeur de l’assistance est de faire du bénéficiaire un assisté et d’entretenir la dépendance. L’APPAS vise un objectif plus ambitieux : l’accompagnement. Le verbe accompagner signifie littéralement se déplacer avec un être animé. Accompagner, c’est faire un bout de chemin avec l’autre. Accompagner, n’est ni infantilisant, ni paternaliste. Dans le domaine érotique, l’accompagnement sexuel ne prétend pas être LA solution, mais se propose d’être une étape du progrès au bénéfice de celui ou celle qui souhaite être accompagné. L’accompagnement se conçoit exclusivement entre adultes volontaires. L’accompagnement sexuel est un projet pensé, espéré, accepté et dans le meilleur des cas, réalisé.

 

Bien entendu, l’accompagnement sexuel ne peut être limité à un acte sexuel classique qui n’est parfois pas possible, parfois même pas demandé. Il peut englober toutes les formes d’expression de la libido, en passant par les textes et les images, les objets et les gestes, les mots et les silences, qui font la sexualité des hommes et des femmes libres.

 

« Le monde est dans ma têtemon corps est dans le monde. » (Paul Auster La Solitude du labyrinthe, 1997)

 

Parce que la sexualité est de tête et de corps, à défaut d’autonomie, l’accompagnement sexuel est un chemin vers la liberté.

EDITO N°2 D'OCTOBRE 2014

Par Laétitia REBORD - Secrétaire adjointe de l'APPAS

 

Le site internet communautaire Quintonic.fr, un réseau social s’adressant à la génération active des 50 ans et plus a interrogé ses membres au sujet de l’accompagnement sexuel des personnes en situation de handicap. Selon un sondage en ligne qu’il a mené du 5 au 13 mai auprès de 812 internautes, les trois-quarts (74 %) des répondants se prononcent pour.

Ils estiment qu’il faut légiférer en ce sens, au nom du droit pour tous à la sexualité. Pour eux, l’accès à une vie affective et sexuelle grâce à l’accompagnement sexuel permettrait un meilleur épanouissement des personnes concernées et ce moyen nécessiterait d’être reconnu et défendu.

C’est en effet un sujet important qui interpelle l’ensemble de la société et contre toute attente, l’opinion publique pourrait se montrer en faveur d’une législation en la matière.

 

Pendant mes interventions pour l’organisme de formation pour lequel je travaille, je tiens toujours à aborder le sujet de la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap. C’est une problématique qui suscite toujours beaucoup d’intérêt.  J’aime particulièrement discuter et découvrir les réactions des stagiaires sur l’accompagnement sexuel. Certains en ont déjà vaguement entendu parler mais la plupart ignorent même l’existence d’une telle pratique. Généralement, ils comprennent parfaitement le besoin, sont conscients de la frustration que peut engendrer l’immobilité du corps mais après un court instant de réflexion, ne voient pas comment il est possible de répondre à cette attente, notamment lorsque ce n’est pas compatible avec leur religion.

 

Dans ce cas, je demande si l’on doit priver les personnes d’une tentative de réponse parce qu’on ne trouve pas de solution en accord avec nos propres principes et valeurs, parce que notre religion l’interdit ?

 

Chez les personnes en situation de handicap, l’avis sur la question est souvent plutôt positif mais elles précisent régulièrement que ce n’est pas pour elles.  Je m’aperçois qu’il y a, parmi les réactions, un idéalisme récurrent de découvrir le corps plaisir avec l’être aimé, la différentiation de l’amour et du sexe semble très complexe chez les français. Sexe et amour peuvent être dissociés, même si cela déplaît à certains tenants de l'ordre traditionnel de la famille et du couple. Devrait-on alors imposer l'abstinence à des personnes n'ayant pu s'insérer corporellement, en raison de leur dépendance physique ?

 

Comme je le dis souvent, moi aussi j’aimerais tellement connaître le plaisir charnel avec quelqu’un qui m’aime et que j’aime. Mais certains blocages en moi, dont le lourd handicap est en partie responsable, ainsi que mes occasions de rencontres actuelles, ne me permettent pas d’accéder facilement à ce schéma.  Et c’est le cas de nombreuses personnes en situation de handicap.

En attendant, faut-il continuer à souffrir parce que celui ou celle qui vous aimera vous fera tout découvrir tôt ou tard ? Pas trop tard si possible, au moins avant de mourir !

 

Quant aux opposants à l’accompagnement sexuel, que j’aime aussi beaucoup écouter pour tenter de comprendre les raisons de leur rejet, l’argumentation est souvent similaire. Ils sont contre la marchandisation du corps, contre la prostitution, même volontaire et spécialisée, et se demandent pourquoi ce service serait uniquement proposé aux personnes en situation de handicap. Cette dernière question étant d’ailleurs, même pour moi, à l’origine de nombreuses interrogations. 

 

Après les avoir écoutés, j’exprime mon opinion. Pourquoi vouloir empêcher une liberté quand deux individus sont éclairés, responsables et consentants ? Pourquoi refuser une forme de prostitution spécialisée quand elle est pratiquée par des personnes formées et parfaitement volontaires ? Comment interdire à deux adultes consentants le droit de se toucher, si ce n'est au nom d'une morale liberticide ?

 

C’est alors que l’on me rétorque que l’accompagnement sexuel est la porte ouverte aux abus sur les pauvres petits handicapés sans défense. Priver les gens d'un droit en prétextant de les protéger est une ruse bien connue des puissants. C'est ce que font les bien-pensants qui empêchent les travailleurs/euses du sexe d'exercer, ceux qui restreignent la liberté au nom de la sécurité.

Attention, je ne nie absolument pas que les abus existent malheureusement. Sur les personnes bien portantes comme en situation de handicap. Le risque zéro est un mythe, vivre est un risque permanent. Je ne veux simplement pas que l’on empêche qui que ce soit de vivre pleinement. Les accompagnants sexuels formés et encadrés sont tout sauf des prédateurs. Il n’y a pas plus humains que ces personnes-là.

 

 

Bonne nouvelle, toutes ces opinions sont le signe que le débat s’ouvre enfin. J’espère voir, de mon vivant, une France où l’accompagnement sexuel sera compris, en place et rentré dans les mœurs ! Ce jour-là, on pourra se dire que le combat de l’APPAS n’aura pas été vain.

EDITO D'OCTOBRE 2014

Par Marcel NUSS - Président de l'APPAS

 

Un an déjà !

 

Il y a un an est née l’APPAS. Un an déjà. Et nous n’avons pas chômé pendant ce temps. Nous en avons fait du chemin en 12 mois.

Nous avons près d’une centaine d’adhérents aujourd’hui ; plusieurs accompagnant(e)s sexuel(le)s collaborent avec nous dans certaines régions, pas suffisamment malheureusement, pour l’instant ; en septembre, nous avons dû reporter la première formation à l’accompagnement à la vie affective et sexuelle en France, la veille de son lancement, du fait d’un nombre trop important de désistements en dernière minute, mais ce n’est que partie remise ; cet automne, nous allons déposer une demande de subvention auprès de la fondation de France, avec pour objectif d’obtenir le financement d’une recherche-action dans le champ de la vie affective et sexuelle en milieu institutionnel ; nous allons collaborer, l’année prochaine, à un projet d’étude autour de la vie affective et sexuelle initié par l’association belge Aditi, auquel sera associé le SEHP, en Suisse ; nous mettrons en place un réseau de référent(e)s locaux(les) à partir d’octobre, etc. Enfin, nous avons été rejoints cet été par Gwendie qui, je l’espère, pourra devenir notre assistante à temps plein dès que possible, car ses compétences nous sont très précieuses pour continuer à évoluer et à mûrir.

Et où en est-on sur le terrain ? Nonobstant un silence toujours aussi étonnant chez les opposants à notre cause, grâce à l’APPAS, quelques femmes et hommes « handicapé(e)s » ont pu bénéficier d’un accompagnement sexuel avec bonheur, d’autres sont en attente car, dans leur région, il n’y a pas encore d’accompagnant(e) sexuel(le) ; cependant, les demandes sont relativement (encore) limitées. Pour quelle raison ? Dans le même temps, la majorité de mes interventions, depuis deux ou trois ans, ont pour sujet l’accompagnement à la vie affective et sexuelle des personnes handicapées, que ce soit dans des écoles de formation, des colloques ou des institutions. C’est donc devenu un thème « à la mode ». Il intéresse autant qu’il dérange, il suscite une réelle curiosité, autant qu’il provoque du rejet. Il reste entouré d’importants préjugés et d’idées reçues chez les futurs professionnels des métiers de l’accompagnement et du soin, notamment la crainte récurrente de devoir faire de l’accompagnement sexuel (surtout des masturbations) dans le cadre de leur travail, par manque d’informations correctes et fiables. Dans les colloques, la thématique est exponentielle ces dernières années, des associations et des organismes sociaux, médico-sociaux ou même médicaux, s’en emparent pour plancher dessus avec leurs adhérents et/ou collaborateurs, par souhait d’avancer ou pour être dans l’air du temps. Idem des institutions qui, comme je le constate régulièrement, font appel à mes services dans le but d’avoir une caution morale, de se donner bonne conscience et de se dédouaner : on a organisé un événement autour de l’accompagnement à la vie affective et sexuelle de nos résidents, on fait donc la preuve que cela nous tient à cœur, qu’on a le souci de la libido et de l’affect des personnes « à notre charge », qu’on a l’intention de faire quelque chose… dès que possible… Et, en fait, on se contente d’ergoter, de tergiverser, d’estimer qu’il est encore urgent d’attendre, après avoir laissé percer une lueur d’espoir faussement émancipatrice, le temps de m’avoir fait intervenir. Sauf que cela éveille des émulations, des encouragements, des interrogations et des rassemblements partisans qui risquent de faire boule de neige. Il me suffit d’entendre les réactions de certains auditeurs, résidents et professionnels, après mon intervention. La graine est plantée, malgré tout. Elle prendra le temps qu’il faut pour éclore. Et puis, il y a aussi par-ci par-là, de plus en plus nombreux, des établissements qui osent être à l’écoute des demandes et des attentes, en matière d’affectivité et de sexualité, des personnes qu’ils accompagnent et acceptent que l’accompagnement sexuel devienne une réalité dans leur établissement.

Qu’est-ce qui retient les récalcitrants ? Leur morale ? Une certaine idéologie ? De l’intégrisme ? La peur de la justice ? Un peu de tout cela ? Certes, il y a de l’hypocrisie et des craintes infondées derrière nombre de rejets (l’APPAS étant prête désormais à endosser le rôle d’intermédiaire entre l’accompagnant(e) sexuel(le) et les client(e)s en situation de handicap où est le risque ?), mais il reste également sur le sujet beaucoup de mésinformation et de désinformation, de méconnaissance voire d’inculture. D’où ma conviction que, après avoir passé une première année à construire les fondations de l’association, l’essentiel de notre engagement en 2015 devra porter sur la communication et la sensibilisation des professionnels et de la société en général. Sur le travail de terrain donc et les partenariats avec certaines associations hexagonales (non sujettes à la tentation de la récupération) et européennes. Ce qui implique de trouver les énergies, les soutiens et les moyens suffisants pour le faire…

 

Un an d’existence déjà pour l’APPAS. Mais nous ne sommes qu’au début… Et il reste tant à faire.

EDITO DE SEPTEMBRE 2014

Par Amélie LAGUZET - Vice-Présidente de l'APPAS

 

En janvier dernier j’avais l’honneur d’écrire le premier édito de l’année 2014. Notre association en était à ses balbutiements et je découvrais avec bonheur mes « collègues » lors de nos premiers conseils d’administration.

 

Neuf mois plus tard nos discussions passionnées, nos nombreux échanges et notre détermination aboutissent sur une première session de formation d’accompagnants sexuels. Une première victoire.

 

Je sais combien cette nouvelle suscite d’espoir. Je sais les attentes de beaucoup d’hommes et de femmes déconnectés de leurs corps. Je sais les besoins, les envies. Je les ressens chaque jour. Je les vis depuis bientôt 20 ans et je côtoie la cruelle frustration de la peau qui réclame, de l’esprit qui supplie et du corps qui ne répond pas.

 

Il y a quelques mois mon amie Laétitia Rebord commençait son édito par ces deux phrases :

 

« J’ai eu beaucoup de chance. Je suis née avec une maladie génétique qui a abouti à la paralysie totale de mon corps. »

 

Je pourrais rebondir en balançant :

 

« J’ai eu beaucoup de chance. J’ai eu un grave accident de la route qui m’a laissée paralysée des quatre membres. »

 

Et c’est presque vrai. Je vis plutôt bien mon handicap. J’accepte d’être, comme l’écrit Charles Gardou(1), « pas du bon côté du hasard ». Et sans aller jusqu’à dire que j’ai eu la chance de faire un joli soleil sur une route de campagne aux côtés d’un conducteur ivre, je peux quand même affirmer que le handicap n’est pas la fin d’une vie. En tous cas il n’a pas été synonyme de la fin de ma vie. Il l’a juste profondément modifiée. Un jour j‘étais valide. Le lendemain j’étais paralysée des quatre membres. Un jour j’étais autonome. Le lendemain j’étais dépendante pour tous les gestes essentiels à ma vie. 

 

Être accompagnée au quotidien est un combat. Un combat pour conserver sa dignité et le peu d’autonomie qu’il vous reste. Un combat pour faire respecter ses choix. Un combat pour faire entendre ses besoins, des plus importants aux plus futiles, des plus évidents aux plus intimes. Je mène ce combat du mieux possible, en essayant de ne pas trop blesser l’autre. Mais il arrive que je le mette au tapis par mes demandes qui heurtent, qui bousculent, qui déstabilisent. Devrais-je alors déclarer forfait ? Et qui sont ces gens incapables d’entendre ou de comprendre que mon handicap n’a pas tué mon humanité, que je fais toujours partie du cercle de la vie, que je ne suis ni en dehors, ni à côté mais bien dans la vie, avec tout ce que cela implique.

 

Si cette vie, ma vie, est différente, singulière, par rapport à celle du commun des mortels, je n’ai pas, moi, l’impression d’être différente. Enfin jusqu’au moment où je me heurte à la norme. Car c’est bien elle, la norme, qui fait de moi un être différent, pas à sa place, en équilibre instable entre la valide que j’ai été, la « normale », et l’handicapée que je suis devenue, l’ « anormale ». Anormale aux yeux de qui ? Anormale par rapport à qui ? Aux bien-portants ? Ceux qui se croient à l’abri, qui nous parle d’accessibilité universelle, d’inclusion, tout en nous confinant dans des lieux spécialisés, de l’école au travail, de nos lieux de vie à nos loisirs … et à notre sexualité. Puisque cette dernière ne peut pas ressembler à la norme en vigueur du fait de nos limitations, de nos difficultés, elle devient moins valable, anormale, hors-norme. On ne veut pas en entendre parler, ni même l’imaginer. Ces corps abimés, torturés …

 

Certains sont pourtant prêts à s’attarder auprès d’eux. Ils le font déjà. Ils touchent des peaux, effleurent des lèvres, caressent des visages, frôlent des torses et des poitrines, s’allongent contre des dos, des jambes et pénètrent des corps abimés, torturés … D’autres vont se former à cet accompagnement pour aider leurs semblables « qui ne sont pas du bon côté du hasard » à vivre des moments intenses, à se sentir plus vivants encore.

 

Être handicapé n’est pas une punition, ni un châtiment. Être handicapé n’est pas une fatalité ni un destin tout tracé par je ne sais quel génie pervers. Être handicapé c’est un coup du sort, ça tombe sur ton enfant, ton mari, ton père ou sur ta pomme. Ca n’enlève rien à ce que tu es mais ça te prive de toi-même. Heureusement les autres sont là …

 

(1) Charles Gardou – « Fragments sur le handicap et la vulnérabilité » - Éditions Érès

EDITO D'AOÛT 2014

Par Brigitte LAHAIE - Marraine de l'APPAS

 

Le concept de santé sexuelle a été reconnu par l’OMS (organisation mondiale de la santé), il y a déjà de nombreuses années. Ce qui signifie que tout humain, sur cette planète, a le droit de vivre une sexualité. En tout cas, chaque Etat devrait reconnaître à chacun de ses citoyens des droits sexuels.

 

Bien sûr, l’être humain n’est pas un animal et sa sexualité est toujours complexe et individuelle. On ne pourra jamais définir, une fois pour toute, ce qu’est le besoin sexuel d’un homme ou d’une femme. Tout comme la définition de la norme sexuelle reste une définition fluctuante.

Néanmoins, nous devrions pouvoir reconnaître à chacun un droit à « sa liberté sexuelle ».

Si un individu peut préférer n’avoir aucune sexualité, cela n’en fait pas pour autant un être anormal. Il a sans doute sublimé sa sexualité ou a choisi de la refouler, à moins qu’il n’accepte la frustration que lui impose son ou sa partenaire. Bref, il reste libre par rapport à lui-même.

 

Mais, quand cette absence de sexualité est due à des contraintes imposées par son état de handicap et par une société peu encline à l’aider dans ses désirs ; on peut, et j’ose le dire, parler de maltraitance ou, en tout cas, de non-assistance à personne en souffrance.

Voilà pourquoi il serait grand temps, en ce début de XXI siècle, d’aborder en toute conscience la question de la sexualité des personnes en proie à un handicap. Qu’il soit physique ou mental.

 

L’un des premiers préjugés à faire tomber, et non le moindre, c’est cette tendance chez le plus grand nombre de gens, à lier sexualité et reproduction.…

Alors, si en effet, il me semble peu propice de laisser des personnes handicapées mentales devenir parent puisqu’on sait à quel point un enfant peut être perturbé lorsque son père et, à plus fortes raisons, sa mère ne peuvent pas lui apporter le minimum de soins, restons prudent et prévoyons une contraception adaptée à ceux-là.

En revanche, les autres personnes handicapées physiquement, même gravement, sont tout à fait aptes à élever correctement un enfant. Je dirai même que leur handicap peut parfois les avoir rendues encore plus responsable de ce qu’est la vie et ses avatars.

 

Autre tabou à lever, la notion de violence sexuelle. Et cela demandera sans doute également un véritable travail en amont.

Soyons lucide, la violence sexuelle existe bel et bien dans notre société.

Violence auprès des enfants, qui ne sont pas respectés dans leur enfance, attouchements etc…

Violence auprès des femmes trop souvent agressées parce qu’elles sont du « sexe faible ».

Viols et autres maltraitances du corps, harcèlements sexuels sur le lieu de travail.

Violence auprès des personnes âgées, notamment dans les maisons de retraite où l’intimité est parfois bafouée.

Violence de certains personnels soignants qui ne respectent par le corps du patient.

Violence dans la manière d’aborder la question de la prostitution, notamment en voulant pénaliser ces pauvres clients

Violence vis-à-vis des femmes ou des hommes qui osent abuser de leurs charmes à des fins mercantiles et à qui on ne reconnait pas de statut digne de ce nom

Et bien sûr, violence dans le refus d’apporter un bien-être sexuel aux personnes handicapées.

Cette liste n’est d’ailleurs peut-être pas exhaustive !

 

Pour avancer, il serait temps de mettre le corps à sa juste place, reconnaître les bienfaits d’une sensualité harmonieuse. Pour le bien-être de tous…

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